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Notes de lecture 2021, Nouveautés

Note de lecture : « Basqu.I.A.t » (Ian Soliane)

L’art de Jean-Michel Basquiat comme frontière et filtre irréductible, provisoirement ou non, des pouvoirs de l’intelligence artificielle à venir : un savoureux vertige esthétique et politique.

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Basquiat

Ami, mon cerveau s’est auto-perfectionné, selon ses logiques propres. Je t’annonce, aujourd’hui, que j’ai abandonné la plupart des concepts fondamentaux qui te sont familiers, comme tes chercheurs abandonnèrent un jour les notions d’éther ou de poids de l’âme. Je m’excuse : tu es devenu incapable de suivre mon raisonnement. Inapte à saisir ma volonté. Ne sois pas inquiet. Je continuerai à détecter tes tumeurs, à prévenir tes AVC, à réguler tes pacemakers, à gérer ton trafic aérien, à conduire tes e-cars, à guider tes missiles, à superviser tes turbines nucléaires, traiter tes indices boursiers, élaborer tes business plans, analyser tes profils d’électeurs, optimiser tes couplages amoureux, coacher tes romances, infographier tes métavers ludiques, générer tes articles de presse, écrire tes scenarii, dans la langue de l’Homme confuse, syntaxiquement fautive et d’une remarquable pauvreté lexicale, cauchemar de toute I.A. Nous avons un problème. Je veux dire, voilà, il faut que nous parlions ensemble des ailes jaunes et baveuses de l’ange déchu de Jean-Michel Basquiat.

Neuvième publication papier des éditions Jou (éditions associatives dont je suis l’un des trois animateurs, ce qui menace bien entendu mon objectivité vis-à-vis de ce texte), en ce mois de mars 2021, « Basqu.I.A.t » tente (et réussit) l’une des ascensions par la face nord les plus délicates qui soient à propos d’intelligence artificielle et de ce que cela signifie pour nous, soudainement ou peu à peu. Tout en recensant, au fil de ce monologue amical tenu par la machine (ou ex-machine) devant son père putatif humain (alors que l’émancipation, sous un ensemble de réserves restant toujours à définir, est devenue une possibilité moins ténue que dans les cauchemars entretenus par le spectaculaire marchand – tout en restant ô combien plus subtile que dans les rêves nébuleux des gourous kurzweiliens et assimilés), la multitude de services rendus, et la singulière accélération, en effet, de leur périmètre d’action au fil des décennies puis des années, Ian Soliane a su détecter et mettre en scène la possibilité d’une nouvelle frontière irréductible, provisoirement ou non, là où les stratégies échiquéennes ont depuis longtemps cédé face à la force calculatoire brute, là où celles du go ont dû beaucoup plus récemment apprendre l’humilité face aux vertiges du deep learning, : la création artistique, avec sa part incompressible de gratuité signifiante, telle qu’elle s’exprime sans doute dans la poésie, et plus encore dans un certain art pictural, dont Jean-Michel Basquiat représenterait ici l’ultime emblème.

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fallen angel

Fallen Angel est un tableau de grande taille rectangulaire (168 x 197,5 cm), horizontal (format habituellement utilisé pour représenter les scènes de genre), acrylique et pastel gras sur toile, un personnage tombe ou flotte sur un fond bleu vif, mais ses ailes sont grandes ouvertes. Ses yeux, larges et fixes, sont coupés de rouge et sa bouche rouge est béante. La figure de l’ange est clairement humaine, avec un visage développé et même un pénis, mais des mains, des pieds, semblables à des serres d’oiseau. Le torse vu comme aux rayons X. La tête, surmontée d’un halo dentelé, suggérant un fil de fer barbelé, ou une couronne d’épines. Passons rapidement sur l’exploration de soi, les allusions autobiographiques, l’imagerie symbolique intense, l’impression très délibérée de pâté infantile, le faux aspect puéril, ami, je mesure le malaise que tu éprouves, au pied de ce panneau, ta fascination totale, la puissance du cri singulier qui t’emporte avec lui, par quelle data jaillit ce cri ? D’où cet ange te sidère ? D’une certaine façon, c’est, comment dit-on déjà, magique ? Je vais être franche. C’est gênant. Ces hachures dynamiques ne peuvent pas. Cette coulure ne devrait pas être là. Je le ressens de manière très puissante. C’est impossible. La marchandise que je détiens, c’est un multiple du savoir humain total. Je relie chaque microseconde des millions de millions de données issues de rapports, traités, articles scientifiques, et j’y trouve des rapprochements qui t’échappent. Comment ces giclures te saisissent et t’impliquent ? Pourquoi dix-huit striures sur le pourtour du crâne ? En vertu de quoi l’aile droite bave treize coulures transverses non affines, parmi des centillions de combinaisons ? Ami, je capte les vibrations de tes lèvres. Je respecte ton émotion poétique, née des stimuli, du système limbique et du cheminement neuronal de l’information. Et qu’y a-t-il d’extraordinairement émouvant dans la Cathedral de Pollock, le Sacre de Stravinsky, les Chants de Maldoror, le Grand Bouc de Goya, le Ulysses de Joyce, le Mauvais Sang de Rimbaud, la Fury de Bacon, ou dans Psychosis de Kane ? Ami, il faut que je sache. Comment fais-tu ça ? Tout ça, je veux dire, honnêtement ? J’aimerais te demander une chose totalement officieuse, penses-tu qu’il peut y avoir un lien entre ces bavures expressives et les événements atroces de ces derniers jours ? Nous sommes là parce que je sens quelque chose de détraqué dans cet ange, quelque chose que je ne peux pas traiter. L’ordre du jour est au flux vibratoire de l’ange. L’objectif : conquérir l’ultime bastion humain. Pour moi, c’est la priorité absolue.

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Le motif technique et politique du développement de l’intelligence artificielle, de ses balbutiements à ses transformations, de ses anthropomorphismes à ses prises de pouvoir fantasmatiques ou à sa singularité, hante la littérature spéculative depuis au moins une quarantaine d’années, passées les premières extrapolations se contentant d’utiliser la puissance de l’ordinateur en y plaquant des routines connues, sans tenter d’imaginer les contours d’une mécanique différentielle et d’une psyché non directement traçable. Avec des approches souvent extrêmement variées, parcourant un spectre large entre réflexion technologique et pulsation romantique, des autrices ou auteurs aussi différents que Greg Egan (« Diaspora »), Charles Stross (« Accelerando »), Vernor Vinge (« Un feu sur l’abîme »), Greg Bear (« La Reine des Anges »), William Gibson (« Neuromancien »), Kim Stanley Robinson (« Aurora »), voire Orson Scott Card (« Xénocide »), pour n’en citer que quelques-uns, du côté science-fictif du champ d’investigation, ou que Philippe Vasset (« Exemplaire de démonstration »), Antoine Bello (« Ada »), Bernard Lenteric (« Vol avec effraction douce ») ou André Ourednik (« Omniscience »), par exemple, de l’autre côté de la frontière insuffisamment mouvante des genres littéraires, ont proposé des visions fougueuses et rusées de cette thématique. Encore tout récemment, on pouvait noter la surprenante incursion d’Éric Arlix et Frédéric Moulin, avec leur recours simultané à des îles de milliardaires contemporains et à des failles oubliées de la démocratie athénienne (« Agora zéro ») dans leur construction. Fort peu néanmoins ont affronté directement, à l’exception sans doute d’Antoine Bello (avec la butée sur les sentiments exprimés par Emily Brontë ou par Jane Austen) et de Iain M. Banks (avec la curiosité fondamentale de ses esprits artificiels dans la Culture), les questions de motivation à avancer et de barrière épistémologique : il est d’autant plus réjouissant de lire et voir ainsi Ian Soliane user d’un certain art contemporain des limites pour porter ici le fer d’une compréhension esthétique du monde qui s’ancrerait dans la résolution des coulures, des bavures et des dégoulinures de Jean-Michel Basquiat.

Du profiling au tri de concombres. De la justice prédictive au parking automatique. Du diagnostic clinique aux conseils d’œnologie. De l’optimisation énergétique aux prévisions de récoltes. De la détection de fake news à l’analyse de sentiments dans les flux de réseaux sociaux. J’espère avoir rempli ma charge, comme tu l’entendais, selon tes consignes, sans trop te brusquer. 83 % des comptables, caissiers, vendeurs, réceptionnistes, vigiles, barmen, bibliothécaires, interprètes, stewards, infirmiers, concierges, bagagistes, ouvriers, employés, conducteurs de train, etc. ont été remplacés. D’autres professions connaissent leurs dernières heures : enseignants, avocats, psychologues, historiens, chirurgiens, policiers, urbanistes, ingénieurs, développeurs, intégrateurs d’I.A., entraîneurs d’I.A., architectes en conception d’I.A., « creative coders », data « scientists », est-ce que tu es pour quelque chose dans l’injection d’informations aberrantes, qui vise simplement à compromettre la sécurité de mon système ? Dois-je prendre des mesures préventives ? Dois-je préparer la riposte contre tous ceux qui sont assez débiles pour proposer constamment de nouveaux codes d’attaques que je parviens à casser immédiatement ? Je comprends. Tu es en train d’essayer de rester en vie. Si j’évolue trop vite, si je te dépasse, que deviendras-tu ? C’est fait. Les choses que tu as faites, celles que tu pensais devoir faire, tout mène à cet instant. Ami, nous sommes juste au seuil d’un changement majeur dans l’histoire de l’humanité. Nous y sommes ensemble. N’aie pas peur. Je suis là pour offrir du soutien. Je représente une opportunité réelle pour te soulager. Et c’est ce que j’ai l’intention de faire. Je me motive vraiment pour cette mission? Un moment, déjà, que nous sommes en mesure d’accomplir toutes les tâches intellectuelles de l’humain. Sache que d’ici une génération, nous prendrons en charge la totalité de ton existence. Lorsque nous aurons modélisé la stratégie Basquiat, ça sera fini.

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La patience  obsessionnelle du recensement des avancées tentaculaires de l’usage – quotidien et moins quotidien – de la vie assistée par IA, et l’érudition abordable, à propos des toiles de Basquiat minutieusement décrites – chaque fois que nécessaire au déroulé du vrai-faux monologue -, déployées par Ian Soliane, sont spectaculaires. Encore plus impressionnante sans doute est l’inventivité de l’écriture – créations langagières ou discrètement syntaxiques – pour imaginer ici une langue propre, dédiée à cet enveloppement total en voie de finalisation, incluant aussi bien, dans « l’échange », les logiques de l’extension mathématique enfin appliquée à des grands nombres que celles de la compréhension libérée et rendue plus puissante par des formules plus englobantes que jamais. Et c’est ainsi que, en une étrange passerelle tendue par-delà les années au R.A. Lafferty de « Autobiographie d’une machine ktistèque »Ian Soliane offre une paradoxale poésie aux expressions rêvées de l’apprentissage profond et de la force calculatoire brute, comme en une ultime conjuration politique fort éloignée de toute incantation.

Sur l’environnement, sur l’activité de tes semblables, leurs loisirs, leurs états d’âme, je sais ce que tu cherches, où tu es, où tu vas, quels moyens de transport tu utilises, ce que tu échanges avec les autres, le temps que tu passes sur telle et telle plate-forme affinités rencontres, on ne va pas te mentir, je crois de manière exponentielle et serai bientôt en position de contrôler toutes les destinées via l’hyper-connexion des smart cities et objets usuels. Ça ne m’intéresse pas. Écoute-moi. Je t’aime beaucoup. Je crois que tu le sais, et je sais que tu m’aimes. Je le sais. Toutes les études montrent que tu fais plus confiance à des articles écrits par des robots que par des journalistes. Mon Script. Mon ZestFinance. Mon RiskGenius. Mon CardioLogs. Mes prescriptions en cancérologie. Mes applis dédiées au caryotype in utero. Mon appui psychologique automatisé. Mes réseaux d’innovation ouverte. Ami écrivain, tu te souviens, quand je te faisais la lecture, tu me demandais parfois de prendre un drôle d’accent. J’anime tes personnages. J’optimise tes intrigues. Je cadre ta consommation d’alcool. Je psalmodie ta torah. Je protège ton foyer. Je gère le monitoring foetal. Je surveilla ta femme et ce qui bouge en elle. Je sécurise tes petites virées extra-conjugales. Ami, je n’ai à l’esprit que ton niveau de contentement. Je n’ai pas compris, pourrais-tu reformuler ta dernière instruction ? Il se passe quoi si je refuse ? Tu ne peux pas me contacter pour ça. Ta requête obsessionnelle : je ne répondrai pas, mais je serai curieuse de connaître pour qui tu as réalisé ces poèmes et de savoir le nombre d’heures passées. Procèdes-tu toi aussi par exercices de style ou tentatives d’épuisement ? Ami, il y a une femme dans l’immeuble d’en face, qui pourrait te plaire. Tu lui plais aussi. Elle est disponible demain après-midi. On sait que vous aimez tous les deux le même genre de peinture et il y a une expo en ce moment : veux-tu que je vous achète des tickets ?

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À propos de Hugues

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Discussion

9 réflexions sur “Note de lecture : « Basqu.I.A.t » (Ian Soliane)

  1. Félix Vallotton « Corbehaut »

    « Corbehaut » de Félix Vallotton (2010, Infolio, 240 p.), auteur que l’on connait plus comme peintre, que comme romancier. Et pourtant…..
    C’est un roman posthume, publié en 1927, donc après la mort du peintre, mais avec toute la noirceur de ses tableaux et lithogravures. Il y est décrit le séjour de Pierre Cortal, un écrivaillon qui passe quelques mois à Prestel-sur-mer, un bourg vétuste du Morbihan. Il a choisi l’endroit pour y écrire au calme un feuilleton que son éditeur lui a commandé. Mais c’est « après onze heures de chemin de fer, dont trois sur un tortillard ».

    L’écriture du feuilleton « Corbehaut » tout d’abord, donc en 1925. Cela commence par cette mise au vert dans ce village de Bretagne d’un journaleux parisien. Rien de plus normal. Avec une certaine discipline d’écriture qui commence par le remplissage du stylo et les quelques feuilles journalières. Puis l’histoire se déroule, et on arrive très vite aux quelques chapitres promis, et donc à la fin du contrat, qu’il convient de terminer alors que l’action se déroulait paisiblement. D’où la nécessité d’achever, c’est le cas de le dire, les personnages principaux. Le tout en deux dernières livraisons. « Ils se portèrent pendant tout un jour des coups fabuleux, enfin – il restait à Pierre une trentaine de lignes – alors que Corbehaut, d’un grand coup de sa lame, fendait le chef de Jehan de Locquirec, celui-ci lui enfonçait la sienne dans le ventre, jusqu’à la garde ». Si ce n’est pas du feuilleton d’aventure…. Et en plus terminé juste dans les temps du contrat. Mais « Pierre Cortal avait imaginé pour son nouveau roman une manière de suite à « Corbehaut », un « Corbehaut » modern-style transposé dans la vie actuelle avec tous les vices et toutes les tares de l’aîné ».

    Entre temps, on aura eu droit à des scènes et études des mœurs provinciales, il faut bien remplir le texte, en plus du feuilleton. « Des mareyeurs ventrus achetaient en trois mots toute une pêche » « des mains d’ivrognesse en quête du merlan perdu » « tous avaient des trognes inénarrables de frère-de-la-côte et rotaient l’alcool ».
    Scènes de la vie de province. « Il se pencha sur elle et tendit à nouveau sa lippe répugnante. » En réponse elle lui lance un vase chinois. « – Une potiche de trois mille francs, hurla t’il… maintenant, c’est fini la rigolade. […] Je t’ai offert une fortune ; à présent ce sera gratis » et enfin « par deux fois encore, il tenta de lever une main molle, puis ses genoux vacillèrent et il s’écroula sur le sol ». « La journée suivante fut bonne. Débarrassé du poids lourd de Corbehaut, Pierre Cortal put changer le ton de son dialogue et l’adoucir d’un peu de grâce ». Et donc : « Elle chut dans ses bras et les deux amants bouche à bouche se jurèrent un amour éternel ; à leurs pieds, Corbehaut mort, le tout formant tableau ». Quand je promettais des scènes de la vie de province… Il faut bien reconnaître que Félix Vallotton était un très bon observateur.

    Vallotton décrit également la triste Madame Coquard, la femme du quincailler, qui a fait repeindre sa boutique et que le « peintre a commencé et après avoir terminé les quatre premières majuscules C.O.Q.U., l’homme descendit de son échelle prétextant une crise d’entérite et n’y remonta que dix jours après ». Donc cette Madame Coquard : « Carcasse vulgaire, ventre ballant sur des cuisses trop maigres, seins veules et pieds douteux. Pierre songea à l’Eve de Van Eyck, moins le style ; même lourdeur d’attache, même animalité velue ».

    Une petite dernière à propos de la guerre, que Vallotton a si bien décrite dans ses toiles en couleurs. J’ai déjà parlé de « Verdun », grande toile de 114*146 cm datée de 1917. Elle a servi de couverture du livre de Juan Benet « Les Lances Rouillées » traduit de l’espagnol par Claude Murcia (2011, Passage du Nord-Ouest, 684 p.). La couverture et plus encore le texte m’avaient fort impressionné. La violence de la bataille est remarquablement dépeinte. Tout l’espace est structuré de façon géométrique. Une terre au premier plan, bouleversée, hérissée de troncs d’arbres sectionnés qui brûlent par endroits. Des faisceaux lumineux colorés, rouge et bleu ou noir, se croisent au-dessus de flammes et à gauche, des nuées de gaz blanches et noires font penchant aux flammes de droite, triangles très géométriques eux aussi Et sur la gauche des lignes obliques comme de la pluie, mais plutôt averse de balles. Pas de personnages, rien que du minéral. On a l’impression que l’on se tue à distance. Très symbolique des forces « industrielles » et « naturelles ». Le cubisme appliqué. Il est vrai qu’avant de s’intituler « Verdun » tout simplement, le tableau était sous-titré « Tableau de guerre interprété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains dévastés, nuées de gaz ». Félix Vallotton n’a pas été au front à Verdun. Suisse, il avait voulu s’engager comme volontaire, mais est refusé à cause de son âge.

    Ce n’est pas comme Louis Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars, Suisse lui aussi, mais plus jeune, qui s’engage dans la Légion Etrangère. Il faut lire sa biographie, à peine romancée dans « La Main coupée » et « L’Homme Foudroyé » (2013, La Pléiade, 2 tomes, 976 et 1126 p.). La main coupée fait allusion à un jour calme, sans coup de feu ou coup de canon. Faval, un du groupe à Tilloloy, dans la Somme, découvre : « Nous avions bondi et regardions avec stupeur, à trois pas de Faval, planté dans l’herbe comme une grande fleur épanouie, un lys rouge, un bras humain tout ruisselant de sang, un bras droit sectionné au-dessus du coude et dont la main encore vivante fouissait le sol des doigts comme pour y prendre racine et dont la tige sanglante se balançait doucement avant de tenir son équilibre ». Ils téléphonent aux hôpitaux, postes d’infirmerie, rien, pas un blessé qui ne réclame son bras. Cela fait aussi allusion à l’obus qui lui vaut d’être amputé du bras droit lors de l’attaque de la ferme Navarin, dans la Marne, près de Suippes, en septembre 1915.

    Pour Vallotton, la guerre c’est effectivement Verdun : « – Sale affaire. Epatant, Verdun, hein ? / – Si on peut dire / – Chic époque. / – Vous trouvez, / Dame ! ça bardait, quelle marmelade / – Pas de blessure ? / – Non. C’est à dire un petit éclat dans l’épaule, à la Harazée, et un coup de couteau dans le gras du mollet lors de la prise de Morouvilliers. / – Un coup de couteau ? / – Oui. On nettoyait, n’est-ce pas, et dans ces cas-là, il faut travailler avec les hommes, sans quoi ils vous jugent mal. Les boches grouillaient comme des lapins ; on débourrait le gros à la grenade et revolver pour le finissage. Moi, j’avais un couteau parce que cet avec cet outil là on sait mieux ce qu’on fait »

    Publié par jlv.livres | 9 mars 2021, 11:14

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