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Notes de lecture 2022, Nouveautés

Note de lecture : « Promenades entre collègues (minuties) » (Olivier Hervy)

Une quatorzième occasion de se plonger dans le travail discret – et minutieux, bien entendu – d’un rare spécialiste de la narration ultra-courte issue de l’aphorisme malaxé et détourné.

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Entre collègues

Bien sûr, parfois deux clochards attendent quelqu’un dans un terrain vague, un jeune chômeur révolté pousse des mineurs à la grève dans le nord de la France ou un écrivain fatigué traverse l’Équateur en pirogue. On a également lu l’histoire d’un collaborateur aigri à Sigmaringen, celle d’une ancienne prostituée qui accueille des enfants perdus à Belleville, ou encore l’incontournable récit d’un soldat qui guette n’ennemi à la frontière. N’oublions pas ces deux adolescents accompagnés d’un jeune capitaine et d’un vieux loup de mer qui parcourent la Patagonie à bord d’un yacht anglais pour retrouver leur père, ou encore cet écrivain suisse qui écrit de courtes histoires sur des enveloppes, des tickets, des bouts de papier, enfin partout, sauf sur des cahiers. Ces livres captivants devaient être écrits et doivent être lus. Mais la plupart du temps, nous côtoyons simplement nos collègues de travail… c’est tout et c’est très bien.

Poursuivant inlassablement son travail d’exploration des « vies minuscules », de l’infra-ordinaire, de l’aventure au bout du chemin près de chez vous et du « écrire petit » poussé à l’extrême, par le biais de l’aphorisme, de l’anecdote à chute poétique, de la micro-nouvelle et du récit ultra-court, commencé il y a déjà quinze ans, Olivier Hervy nous offre en ce mois de mai 2022, chez Fly / Édition populaire artistique, à nouveau, une quatorzième occasion de plonger (minutieusement, bien entendu) dans son art si particulier, délaissant cette fois le domicile et les voisins qui l’entourent, mystérieux à souhait une fois franchies les barrières de l’anodin, pour nous entraîner du côté des collègues de bureau, dont les savoureuses idiosyncrasies ne sont pas moins riches d’inattendu et de paradoxes – grâce au collègue lunaire et décalé, au collègue exigeant, à la collègue sévèrement myope, au collègue colérique au regard noir, à la collègue qui laisse toujours traîner ses affaires, au collègue pinailleur, à la collègue déléguée syndicale qui défend nos droits, aux deux collègues inséparables, ou encore au collègue musicien.

« Il y a aussi le Bergman », me répond mon collègue exigeant alors que je lui propose d’aller voir une comédie légère au cinéma vendredi soir.

La porte de mon bureau ne grince plus, ce matin. Mon collègue exigeant doit être rentré de vacances.

J’ai bu une fois un verre chez ma collègue qui laisse tout traîner. C’est spartiate, car toutes ses affaires sont chez les autres.

Même quand elle quitte le parking très lentement à cause du verglas ce soir d’hiver, ma collègue déléguée syndicale semble mener une opération escargot.

Il me parle de Chopin, de Satie, de Tiersen ; je lui parle de Perros, de Michaux, de Walser. Car nous avons tous nos playlists.

Celui que l’on peut sans crainte appeler le principal spécialiste français de l’aphorisme et du récit ultra-court est par ailleurs assez largement présent sur ce blog :

2007 « Expertise »
2012 « Agacement mécanique »
2014 « Formulaire »
2016 « En bataille »
2019 « La chauve-souris se cogne un mètre avant le mur »
2020 « À côté »
2020 « L’obstination du liseron »
2021 « Promenades avec chiens »
2021 « Tout près »
2021 « Le strapontin ne fait pas d’heures supplémentaires »
2021 « Étrangler l’anguille »
2021 « À vif »
2022 « Promenades accompagné » (minuties) »

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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