☀︎
Notes de lecture 2022, Nouveautés

Note de lecture : « Promenades accompagné (minuties) » (Olivier Hervy)

Une treizième occasion de se plonger dans le travail discret – et minutieux, bien entendu – d’un rare spécialiste de la narration ultra-courte issue de l’aphorisme malaxé et détourné.

x

Hervy

Note préambulaire de l’auteur
Note est trop général ! Aphorisme désigne un fragment indépendant ! Greguería est déjà pris ! Après quelques livres, il est temps de trouver un mot pour qualifier ces fragments répétitifs qui, s’ils peuvent se lire indépendamment les uns des autres, trouvent tout de même leur dimension dans un ensemble. Ce seront les minuties. « Minutie : Application attentive aux menus détails. » (Larousse) Nous y sommes ! Et j’y retrouve un grand-père horloger.

Depuis 2007, chaque nouveau recueil d’Olivier Hervy (celui-ci, publié en janvier 2022 chez Fly, édition artisanale d’auteur, est le treizième, si je ne me trompe), certes de taille éminemment variable, constitue une occasion précieuse de se pencher sur la forme ultra-courte du récit, issue initialement sans doute de l’aphorisme, mais l’ayant peu à peu enrichie, complexifiée et dotée de nombre de voies traversières et de rocades insoupçonnées. Si la sentence ironique et le paradoxe apparent demeurent encore aujourd’hui au cœur doucement battant de ce travail, si l’on perçoit bien sûr les passerelles qui peuvent relier ce travail à certains pans de celui d’Éric Chevillard, ou à la récente et tonique incursion de Philippe Annocque dans ce domaine-là, il y a désormais ici une manière très particulière de tisser les cordages discrets qui relient des personnages pas tout à fait récurrents mais pas loin (ou sachant au minimum en communiquer l’impression familière), les situations que l’on jurerait issues d’abord du quotidien le plus banal, mais qui toutes ou presque ont été soigneusement tordues et agencées pour obtenir cet impact narratif souvent in fine fort effarant.

« Il n’y a pas trop d’os ? », demande la cliente de la boucherie proprette où je me fournis en viande en montrant un lapin. C’est la même que j’ai entendue, hier, demander au poissonnier s’il n’y avait pas trop d’arêtes dans le maquereau. Aussi, derrière elle chez le fromager, je prête l’oreille, curieux.

(…)

« Dès qu’ils sont formés, ils partent travailler ailleurs », se désole le boucher qui les fait trimer dur et ne les encourage jamais. J’avais déjà remarqué que, chaque soir, à la fin de sa journée, l’apprenti ne part pas, il s’enfuit.

(…)

Aurait-il repris du service ? J’aperçois au loin le gendarme à la retraite avec une matraque. Je m’approche : il rapporte chez lui une courgette de sa parcelle.

Mon amie V. « qui parle toujours à voix basse », le patron de « la boucherie proprette où je me fournis en viande », cette « pingre de C. », ou encore le vieux gendarme deviennent ainsi, en jamais plus de quelques lignes et parfois en seulement quelques mots, les protagonistes au long cours d’une série d’histoires simples qui jouent en beauté avec les tours et détours de la sagesse des nations, avec les surprises nichées au cœur de l’infra-ordinaire, avec les préjugés et ce qui y déjoue les attentes, pour composer cette si curieuse poésie du quotidien à laquelle nous initie recueil après recueil Olivier Hervy.

Celui que l’on peut sans crainte appeler le principal spécialiste français de l’aphorisme et du récit ultra-court est par ailleurs assez largement présent sur ce blog :

2007 « Expertise »
2012 « Agacement mécanique »
2014 « Formulaire »
2016 « En bataille »
2019 « La chauve-souris se cogne un mètre avant le mur »
2020 « À côté »
2020 « L’obstination du liseron »
2021 « Promenades avec chiens »
2021 « Tout près »
2021 « Le strapontin ne fait pas d’heures supplémentaires »
2021 « Étrangler l’anguille »
2021 « À vif »

x

hervy2

Logo Achat

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

Discussion

5 réflexions sur “Note de lecture : « Promenades accompagné (minuties) » (Olivier Hervy)

  1. Très intéressant. Y a-t-il moyen de se procurer ce livre sachant que je j’habite à 692 km de votre librairie (1) et que les éditions Fly sont, semble-t-il, bien cachées (2) ?

    (1) Mon GPS m’indique 143 heures à pied sans dormir, et de plus en empruntant l’autoroute, ce qui me paraît dangereux.
    (2) On ne saurait les en blâmer par les temps qui courent.

    Merci beaucoup

    Publié par Jacques Paraire | 28 mars 2022, 10:22
  2. Merci (avec du retard, mais beaucoup) – je m’y précipite

    Publié par Jacques Paraire | 13 avril 2022, 15:59

Rétroliens/Pings

  1. Pingback: Note de lecture : « Promenades entre collègues (minuties)  (Olivier Hervy) | «Charybde 27 : le Blog - 22 juin 2022

  2. Pingback: Note de lecture : « Le strapontin ne fait pas d’heures supplémentaires  (Olivier Hervy) | «Charybde 27 : le Blog - 19 septembre 2022

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Archives