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Notes de lecture 2022

Note de lecture : « Le strapontin ne fait pas d’heures supplémentaires » (Olivier Hervy)

Le dixième recueil d’aphorismes et formes ultra-courtes d’Olivier Hervy, avec de beaux détours du côté des paradoxes de la langue.

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Mon oncle a tellement posé avec un poisson dans les bras que sur toutes les autres photos de lui, il semble bredouille. (…)

« Je fais du bois », me dit le prétentieux C. en sueur qui se contente d’en couper. (…)

Le Club Privé est destiné uniquement aux habitués. Mais comment font-ils au début ? (…)

Curieusement, la lampe-tempête accrochée à la poutre de l’auberge est là pour donner un côté paisible.

On  a dit ailleurs sur ce blog, à propos d’Olivier Hervy et de ses aphorismes (ou des formes d’écriture ultra-courtes qui s’en approchent ou s’y assimilent), à quel point leur genèse suppose souvent un sens aigu de l’observation de l’environnement et de l’entourage (il le mentionnait d’ailleurs explicitement dans « L’obstination du liseron », véritable petit manuel de construction de certains types d’aphorismes, et de parcours au sein de leurs coulisses).

Avec « Le strapontin ne fait pas d’heures supplémentaires », publié en 2021 chez Rhubarbe, si le regard autour de soi demeure essentiel, un accent plus important est placé sur les ressources propres du langage, paradoxes nés de l’étymologie, emplois et contre-emplois, changements de contexte ou de point de vue, modifications de sens issues de l’histoire, ou encore métaphores induites de manière inconsciente, qu’il s’agit alors de faire remonter à la surface.

Cette insistance nouvelle, présente, naturellement, dans les recueils précédents, mais ici plus largement mise en avant, donne une touche réflexive bienvenue, dégageant en souriant la poésie intrinsèque de nos langues, soutenues ou familières, de nos manières de les utiliser et de nos prises de liberté vis-à-vis des académismes. Et c’est ainsi aussi que se construit la poésie, dans cette attention de tous instants portée à ce qui nous déplace, nous surprend et nous conduit à voir le monde autrement, de près comme de loin.

On fleurit les ronds-points pour nous donner une raison moins terre à terre que la recherche d’une direction de tourner autour. (…)

Le couteau suisse se disperse. (…)

Toute la famille regarde le feuilleton dans lequel le père joue un rôle de figuration. Il devient l’acteur principal. (…)

Curieusement tous les disques ne se trouvent pas dans les bacs Musiques du monde. (…)

Le cabriolet est plus rapide surtout parce que l’on n’a pas à installer les enfants à l’arrière. (…)

La maison neuve construite juste derrière celles qui sont en front de mer est plus haute et étroite que les autres. Sur la pointe des pieds. (…)

La magnifique villa de granit aux volets blancs qui surplombe la baie vient d’être achetée par un psychanalyste. C’est dire si nos enfances sont difficiles. (…)

Si l’on se réjouit tant à faire des ricochets, c’est qu’il s’agit d’une métaphore de l’existence. On a des petites victoires, mais l’on finit par perdre.

Celui que l’on peut sans crainte appeler le principal spécialiste français de l’aphorisme et du récit ultra-court est par ailleurs assez largement présent sur ce blog :

2007 « Expertise »
2012 « Agacement mécanique »
2014 « Formulaire »
2016 « En bataille »
2019 « La chauve-souris se cogne un mètre avant le mur »
2020 « À côté »
2020 « L’obstination du liseron »
2021 « Promenades avec chiens »
2021 « Tout près »
2021 « Le strapontin ne fait pas d’heures supplémentaires »
2021 « Étrangler l’anguille »
2021 « À vif »
2022 « Promenades accompagné (minuties) »
2022 « Promenades entre collègues (minuties) »

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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