C’est lui le roi.
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Dans ce recueil de trente entretiens accordés à des journaux et des revues entre 1989 (cinq ans après la parution de «Vies minuscules») et 2007, et publié en 2007 aux éditions Albin Michel, Pierre Michon évoque ses œuvres, son rapport à l’écriture et au texte et quelques-uns des auteurs et des oeuvres qu’il aime, Gustave Flaubert, Victor Hugo, William Faulkner entre autres, et Arthur Rimbaud bien sûr.
Pour eviter l’écueil de propos falots, en regard de l’intensité de ceux de Pierre Michon, je souhaite avant tout ici citer des extraits, et éclairer quelques-uns des thèmes de ce passionnant recueil, capital pour celui qui s’intéresse à l’oeuvre de Pierre Michon et à la littérature.
La dimension sacralisée qu’il attribue à l’écriture et à la littérature.
«Pour que l’écrivain soit au meilleur de lui-même, il faut que le texte soit dédié au plus haut, à un plus haut qui soit Autre.»
«Écrivant, je pense toujours au mythe de la résurrection des corps dans le christianisme … pour changer leur viande morte en texte, leur échec en or.»
Ce sentiment que les plus grandes oeuvres restent toujours en partie opaques, qu’elles nous transmettent les grandes émotions originelles, ces choses que nous saisissons sans les comprendre, comme lorsqu’il entendit pour la première fois le début de «Salammbô», «miracle de brutalité et de désir.»
«Dans mon idée, un texte littéraire est une chose intouchable : quelque chose comme une totalité close sur elle-même, une réalité autoréférée, entièrement cadenassée, fermée peut-être sur son autisme, mais qui vit dans sa propre clarté. Une statue.»
«Il faut continuer à apprendre à l’école des choses qu’on ne comprend pas.»
L’ambivalence : cette distance extrême entre la hauteur de la littérature et la petitesse de l’homme, et l’adoration de la littérature, tout en sachant pertinemment qu’elle n’est qu’une falsification.
«A partir du moment où la littérature s’est constituée comme une fin en soi, sans Dieu, sans justification extérieure, sans idéologie qui la soutienne … tout écrivain a été un imposteur, puisqu’il ne pouvait s’autoriser que de lui-même. Mais c’est aussi ce qui fait la force de la littérature depuis ces gens-là.»
Sa méthode d’écriture : l’attente ou la panne pendant des mois, un sujet et la documentation extensive comme soubassement de l’écriture, les carnets comme compagnons infatigables, zones de stockage des idées, et enfin un appel et le jaillissement de l’écriture.
«Je sais comment on construit le tremplin, l’énorme tremplin pour un texte minuscule.»
«… ce que je demande à la littérature est que la rédaction d’un texte soit une fabuleuse dépense d’énergie, aveugle mais très consciente, pleurante et riante, limitée dans le temps, comme la copulation», mais une brièveté «informée de tout ce qui a été pensé et dit depuis qu’il y a des hommes.»
«J’aime qu’un texte me paraisse donné au moment où il advient.»
Et enfin le texte qui n’est jamais fini mais qui peut être publié quand «il ne fait plus partie de moi, qu’il s’est détaché de moi, qu’il est devenu un objet anonyme.»
«Les œuvres sont les preuves de la grâce, mais sans grâce, pas d’œuvre.»
Ce recueil fut présenté par Claro, premier libraire d’un soir chez Charybde en septembre 2011, et je l’en remercie. Ce qu’en dit Pierre Jourde est ici.
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