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Notes de lecture 2015

Note de lecture : « Enquête interdite » (Carlo Lucarelli)

Rimini, 1938. Un policier décati mène l’enquête au milieu des vacances du Duce.

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Enquête interdite

Publié en 1993, traduit en français en 2005 chez Fayard par Arlette Lauterbach, le tout premier roman « indépendant » de Carlo Lucarelli (n’entrant donc ni dans sa série « De Luca » ni dans sa série « Colandro », et a fortiori encore moins dans sa plus tardive série « Grazia Negro »)  montrait à la fois, joliment, son enracinement dans la grande tradition du noir hard-boiled américain, adapté plutôt finement à un contexte historique italien, mais se révèle aussi un rien décevant à la lecture « tardive », en comparaison de la flamboyance de ce qui suivra, et tout particulièrement en regard de « Loup-Garou » (1994) et « Almost Blue » (1997), ou encore de « La huitième vibration » (2008).

Fin des années 30, au moment où le rapprochement italo-allemand s’accentue, un cadavre de prostituée est retrouvé sur la plage de Rimini, juste devant la résidence d’été de Mussolini, justement en villégiature. Tandis que l’enquête officielle est expédiée à toute allure, un coupable ô combien providentiel étant rapidement passé aux aveux, un sous-commissaire dépressif mais curieusement obstiné, avec l’aide d’un journaliste opiniâtre et d’un juge incorruptible, tente d’en savoir davantage, et découvre peu à peu quelques envers peu ragoûtants du décor fastueux proposé aux regards par le régime fasciste et par toute la grande bourgeoisie qui lui a à l’époque très solidement emboîté le pas.

Malgré les fenêtres qu’il avait laissé ouvertes, la chaleur infernale qui régnait chez lui assaillit Marino dès qu’il ouvrit la porte après avoir cherché la clé dans toutes ses poches. Il ferma les yeux en poussant un soupir las qui évacua tout le bien-être procuré par ce verre de vin pris à jeun. Il referma la porte, croisa les persiennes, puis il ôta sa veste, fit tomber ses bretelles, s’empressa d’enlever sa chemise trempée de sueur et resta en tricot de peau, debout dans la pénombre chaude, les épaules voûtées et les bras ballants, respirant lentement entre ses lèvres ouvertes. Le long gargouillement sourd et presque douloureux de son estomac lui rappela qu’il n’avait pas mangé.

Indagine

(…)

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Il se mit à trembler en se revoyant dans le bureau d’Arenzano, sous le portrait du Duce. « Un bon policier, vice-commissaire Marino, c’est un policier zélé qui respecte la hiérarchie… » Et cet homme voulait le faire passer par dessus le commissaire ? Cette seule pensée, même formulée silencieusement dans sa tête, était déjà une menace de mutation en Sardaigne pour y débusquer les bandits. Dannunzio, qui avait écarté les bras, les laissa retomber le long de son corps.
– Je comprends. Le commissaire n’aimerait pas  que la Rimini des vacances du Duce ressemble au Chicago des gangsters. Et moi non plus, du reste, vous pensez bien. Mes salutations, vice-commissaire…
Il tendit la main, la retira aussitôt et ferma les yeux en soupirant.
– Ah ! J’oubliais, on ne se serre pas la main, non, on ne se serre pas la main…
Et il tendit le bras en l’air en claquant des talons.

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carlo-lucarelli

À propos de Hugues

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Discussion

3 réflexions sur “Note de lecture : « Enquête interdite » (Carlo Lucarelli)

  1. Merci pour ce bel avis 🙂

    Publié par collectifpolar | 12 août 2015, 10:48

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