Un tournant très réussi de Carlo Lucarelli.
Carlo Lucarelli, jusqu’ici surtout connu pour ses romans policiers incisifs, amorce un tournant dans son écriture avec ce livre paru en 2008 (et en cet automne 2010 en France, chez Métailié dans une excellente traduction de Serge Quadruppani).
En Érythrée, en 1896, dans les mois précédant le désastre historique (pour l’armée italienne) de la bataille d’Adoua, plusieurs fils d’intrigue étroitement enchevêtrés mêlent enquêtes policières, histoires d’amour, faits de corruption, scènes de caserne, quêtes érotiques, ambitions économiques et bien entendu peintures et réflexions sur l’aventure coloniale en général, italienne en particulier.
« Question : pourquoi sommes-nous ici ? Prestige national, dit Cristoforo, à part la Suisse, nous étions la seule nation civilisée à ne pas avoir de colonie outremer. Mission morale, nous devons apprendre à ces sauvages à porter des chaussures et à ne pas se promener les attributs à l’air… »
Dans un entretien avec Le Monde le 15 octobre dernier, Lucarelli, « pour qui le choix d’une période historique comme toile de fond romanesque est toujours motivé par l’observation du présent, confiait avoir commencé à imaginer son roman sur le colonialisme il y a une dizaine d’années, à l’époque de la deuxième guerre d’Irak. « Dans le débat sur la participation de l’Italie à ce conflit, on retrouvait les mêmes discours que ceux qui avaient été prononcés à la fin du XIXe siècle pour justifier l’aventure africaine. On parlait d’exporter la démocratie et la civilisation, mais aussi de défendre des intérêts commerciaux », raconte–t-il, ayant fait plusieurs voyages sur les terres de son roman et s’étant beaucoup documenté pour recréer avec précision un univers jusque-là presque absent de la mémoire collective. En effet, hormis Un temps pour tuer, le célèbre roman d’Ennio Flaiano, l’aventure coloniale italienne a été très peu racontée par les écrivains de la Péninsule, peut-être parce que « les Italiens n’ont jamais réglé leurs comptes avec cet épisode refoulé de leur histoire ». »
Et la citation finale, qui donne son titre au roman : « Ceci est la terre de la huitième vibration de l’arc-en-ciel : le Noir. C’est le côté obscur de la lune, porté à la lumière. Dernier coup de pinceau du tableau de Dieu. » (Tsegaye Gabrè Mehdin).
Un roman très réussi, qui donne envie de se plonger dans les autres romans historiques de l’auteur, tentatives plus anciennes comme « Guernica » (1996).
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