Très noir, ce Lucarelli faussement tardif introduisait l’inspecteur Grazia Negro dans le paysage de l’auteur.
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Publié en 1994, oublié, puis réédité en 2001 (en 2003 en français dans la Série Noire de Gallimard, dans une traduction d’Arlette Lauterbach) et ainsi en quelque sorte « ressuscité » dans le parcours d’écriture policière et noire de Carlo Lucarelli, « Loup-Garou » ré-introduisait un « nouveau » style, plus âpre et plus sombre que ses écrits plus connus à l’époque, une thématique qu’il va développer peu à peu (celle de la lutte contre les tueurs en série, « impensables » en Italie, qu’ils soient psychopathes « purs » ou produits sociaux complexes, et enfin une protagoniste qui va vite devenir, malgré peu de romans, presque aussi célèbre que son commissaire De Luca : l’inspectrice Grazia Negro (que l’on retrouvera notamment dans l’extradordinaire « Almost Blue », ou dans le roman épistolaire écrit à quatre mains avec Andrea Camilleri, « Meurtre aux poissons rouges »).
Sur une histoire simplissime de traque d’un tueur en série, plutôt facile à identifier, mais très difficile à inquiéter juridiquement, Lucarelli, en 120 pages et en multipliant les points de vue, les incises et les ruses narratives, incluant de brillants ratés d’enquête, nous offre à la fois un requiem pour un commissaire chevronné, accrocheur, sans doute malade, au bout du rouleau physiquement et psychologiquement, et prêt à basculer dans une forme de folie, une satire d’une bureaucratie policière se dégageant à grand-peine d’habitudes corruptrices et de facilités coupables, un tueur imbu des prérogatives que lui confère son statut socio-économique élevé, et une jeune inspectrice, issue du rang, qui n’a décidément pas froid aux yeux…
Un dur et beau roman, un parfait échauffement avant « Almost Blue ».
« Toute une journée au cadastre pour voir les plans de la copropriété et savoir comment il aurait pu sortir de l’appartement une jeune fille morte, un dimanche matin, alors que sa femme et ses deux enfants devaient revenir d’un moment à l’autre. De quelle façon ? Enroulée dans le tapis du salon ?
Peut-être plus tard, quand il fera nuit et qu’il n’y aura plus personne dans la rue.
Et où la cache-t-il ? Dans une armoire ? Sous le lit ? L’appartement a six pièces, cuisine, salle de bains, mais ils y vivent à quatre. Une femme. Deux enfants qui jouent partout. Une femme de ménage.
Les remarques du professeur : « Jeffrey Dahlmer découpait en morceaux ses amants, les mettait dans des sacs-poubelles et allait les jeter dans la boîte à ordures en disant que c’était de la viande avariée pour les chats. »
Non. L’ingénieur ne vit pas seul. Eclaboussures de sang sur le sol de la cuisine, couteaux ensanglantés à nettoyer, sacs à cacher. Mon chéri, que fait cette tête dans le micro-ondes ? Papa il y a une main dans le frigo… à qui elle est ?
Le professeur : « John George Haig dissolvait les cadavres de ses victimes dans un bain d’acide. »
Non. Même motif. Papa, dépêche-toi de faire fondre la demoiselle, je vais faire pipi dans ma culotte.
« Vous savez que vous êtes le premier que je vois rire en lisant un plan du cadastre ? » «
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