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Notes de lecture 2017, Nouveautés

Note de lecture : « Au centuple » (Jérôme Lafargue)

L’univers littéraire de Jérôme Lafargue en cent délicieux fragments.

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Paru en mars 2017 aux éditions de l’Attente, «Au centuple» rassemble cent textes de cent mots publiés en cent jours par l’auteur sur Facebook, au sein de cadres en mosaïque réalisés par son épouse, entre novembre 2015 et février 2016, qui sont comme autant de fragments, drôles, touchants, fantastiques ou surréalistes de tout ce qui fonde l’univers littéraire foisonnant de Jérôme Lafargue.

Beauté, quiétude et force de la forêt et de l’océan, aventure et grands espaces, rock’n roll, mythologies familiales et leurs étranges répercussions dans le présent (comme dans « En territoire Auriaba »), invention de personnages loufoques et d’écrivains risibles ou touchants, goût pour les coïncidences et les situations quotidiennes qui glissent dans le fantastique, questionnements sur l’humanité et ses travers, évocation de certains vrais héros et fragments autobiographiques …, la prouesse d’inventivité d’«Au centuple» ne surprendra pas le lecteur ou la lectrice familiers des romans de l’auteur publiés chez Quidam éditeur, «L’ami Butler», «Dans les ombres sylvestres», «L’année de l’hippocampe» et «En territoire Auriaba».

«Au centuple #8
Emiliano Burgones, après une vie consacrée à la rédaction d’encyclopédies qui assirent sa notoriété, eut l’idée de cataloguer les pensées secrètes des hommes. Persuadé qu’elles recelaient des merveilles, il débuta son entreprise avec des proches, qu’il interrogea plein de confiance. Horreur ! Des histoires de bouffe, de baise et de fric. Il s’essaya auprès d’intellectuels, et le résultat fut encore plus désastreux.
Alors quoi ? Etre son propre cobaye ? Et si c’était pire ? Il préféra se jeter tête la première contre le volume le plus lourd de sa bibliothèque, qui conserve encore les traces d’un cervelet tout riquiqui.»

Ces formidables variations sont souvent teintées d’absurdité et de surréalisme à l’image de la première d’entre elles, la brève histoire de Maxence Fermiot, politicien imaginaire privé de carrière à cause de l’odeur irrespirable de ses pieds, ou encore l’histoire de l’explorateur romancier Knut Rikkelsen.

«Au centuple #24
Knut Rikkelsen, membre de la Société Royale des Explorateurs, était un romancier dont les livres d’aventures se vendaient comme des petits pains. Cependant, leur contenu ne reflétait en rien les contrées qu’il sillonnait. L’explication ? Ceux qui lui servaient de guide inventaient n’importe quoi pour rire de ce type revêche, constamment penché sur ses carnets qu’il annotait tout en marchant, quand il n’était pas porté.
Knut ne vit pas les neiges du Kilimandjaro, ni le Dragon de Komodo, encore moins le Mont Darwin. Il ne levait jamais la tête, obnubilé par ses gribouillis et les traces de ses pas.»

Déclaration d’amour à la littérature et à tout ce dont elle est capable, ces exercices de style d’un écrivain à l’imagination sans limites, qui ne se prend pas toujours très au sérieux mais prend toujours la littérature très au sérieux, rappelant le vrai-faux journal d’Éric Chevillard «L’autofictif», semblent indiquer que la frontière entre réel et fiction n’existe sans doute pas ou bien qu’elle est terriblement poreuse.

Ce qu’en dit joliment Philippe Annocque sur son blog Hublots est ici.

Jérôme Lafargue sera l’invité de la librairie Charybde le 7 juin prochain en soirée en tant que libraire d’un soir. Ce sera l’occasion de fêter la parution de ce texte, et de «Un souffle sauvage», récemment paru aux éditions du Sonneur.

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À propos de Marianne

Une lectrice, une libraire, entre autres.

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