1 095 bribes surgies d’un quotidien réel ou imaginé, 1 095 joies de l’intellect et du cœur.
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Publié en 2009 à l’Arbre Vengeur, « L’autofictif » est le premier texte d’Éric Chevillard ayant inauguré sa série de publications annuelles, sous formes de « journaux de l’année », du travail entrepris sur son blog éponyme, consistant à écrire chaque jour, en trois paragraphes de longueur variable, liés entre eux ou indépendants, vrais ou faux aphorismes, brèves incursions critiques, airs du temps déformés à plaisir, courtes expériences de langage, récits instantanés, paradoxes apparents, ou encore jeux de mots, de sens et d’écriture. Les premiers mots d’avertissement figurant en tête du livre, ci-dessous, peuvent s’appliquer à l’ensemble désormais imposant des sept tomes désormais publiés.
AVERTISSEMENT
En septembre 2007, sans autre intention au départ que de me distraire d’un roman en cours d’écriture exigeant des vertus d’application et de concentration dont je suis médiocrement pourvu, j’ai ouvert un blog, quel vilain mot, j’ai donc ouvert un vilain blog et je lui ai donné un vilain titre, « L’autofictif », un peu étourdiment et plutôt par dérision envers le genre complaisant de l’autofiction qui excite depuis longtemps ma mauvaise ironie. Voici surtout un carnet de notes que je n’oublierais pas dans un café ou dans un train, et qui ne tombera pas non plus de ma poche. Puis rapidement j’ai pris goût, et même un goût extrême, à cette forme d’intervention dans le deuxième monde que constitue aujourd’hui Internet, point si virtuel qu’on le dit, et à ces petites écritures libres de toute injonction.
Alors que je pratiquais, et appréciais énormément, les romans d’Éric Chevillard depuis un certain temps (avec une mention toute spéciale pour « Palafox » et pour « Le vaillant petit tailleur« ), je ne me suis lancé dans ces « journaux » que tout récemment, avec la publication du septième volume, « L’autofictif au petit pois », publié en février 2015. Il est particulièrement difficile, depuis ce premier contact il y a quelques semaines, de résister à l’envie dévorante de se jeter sur les six tomes pré-existants pour s’y plonger avec délices. Voici en tout cas le premier, le pionnier et l’ancêtre des autres.
Je me montre toujours généreux lorsqu’un enfant scout quête dans la ville. Mon Dieu, que ce malheureux petit puisse au moins se vêtir décemment ! (…)
L’idée de raser les châteaux de la Loire afin de développer sur leurs sites de grandes zones d’activité économique et commerciale fait son chemin dans l’esprit des élus qui imaginent déjà quel bénéfice tireront les entreprises locales de la formidable affluence touristique observée en ces lieux. (…)
Tout l’émerveille. Elle dépouille délicatement de son emballage le présent minuscule que le garçon lui a apporté avec son café : oh ! un sucre ! (…)
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Je déposai une offrande sur les marches de l’autel. Aussitôt le dieu pointa son nez et les mâchoires de fer de mon piège se refermèrent sur lui. (…)
Je résolus cette fois d’entreprendre sérieusement l’apprentissage d’une langue étrangère afin de m’ouvrir un peu le monde. J’optai pou un stage intensif et, après quelques semaines, j’attrapais déjà les mouches avec la dextérité du caméléon. (…)
Évoluant en marge de la zone d’activité, je regrette parfois de ne pas connaître la solidarité née dans l’épreuve commune du tripalium, la moite intimité des sueurs partagées dans la mêlée de l’effort collectif, le rauque ahan jaillissant à la fois de cent cravates dans les espaces feutrés du bureau paysager, mais curieusement ce regret court en zigzag dans mon dos comme un frisson et passe. (…)
Il faut connaître la vie pour écrire, il faut s’être confronté à la réalité. Romancier, poète, dramaturge, nouvelliste, j’ai ainsi exercé mille petits métiers avant de devenir écrivain. (…)
Les marionnettes du théâtre de Guignol n’amusant plus les enfants, je suggère qu’elles soient désormais employées par les jardins publics où elles se produisaient et, eu égard à leurs aptitudes et qualifications, affectées prioritairement à la surveillance des pelouses. Dès qu’une taupe pointera son museau hors de sa galerie, en effet, elles sauront lui fracasser le crâne d’un coup sec et précis de leur petit bâton. (…)
Les sujets semblent varier à l’infini, imperturbablement, graves ou insouciants, ténus ou étoffés, joueurs ou mystificateurs : le plaisir de cette découverte incessante est à la mesure de ce jaillissement, qui semble interroger à chaque pas le pouvoir du langage, de l’émotion et de la pensée surgissant du quotidien, de la préméditation comme de la spontanéité.
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Discussion
Rétroliens/Pings
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