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Notes de lecture 2019, Nouveautés

Note de lecture : « Le vautour revient toujours » – Mary Lester 53-54 (Jean Failler)

Le retour à Quimper d’un vieil ennemi de Mary Lester, et une Cornouaille engluée dans un imbroglio dont certaines élites locales ont le secret.

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Le commissaire divisionnaire Lucien Fabien attaqua bille en tête :
– Robert Larnaca, ça vous dit quelque chose ?
Le commandant Mary Lester se tenait très droite sur le siège disposé devant le bureau directorial. Il était neuf heures trente et elle venait d’arriver au commissariat lorsque le patron l’avait convoquée d’urgence. Qu’arrivait-il donc à ce cher Lucien ?
Question posée mezzo voce à son équipier, le capitaine Fortin, qui en guise de réponse n’avait pu lui offrir qu’une moue interrogative, non dénuée d’appréhension. Il l’avait regardée sortir en articulant silencieusement avec sa bouche : « Merde ! » – c’était sa manière de lui souhaiter bonne chance.
Elle revint à l’instant présent, réfléchit, et répéta en secouant la tête négativement :
– Larnaca ? Non, je ne vois pas…
Et, comme le patron la regardait, goguenard, elle demanda, intriguée autant qu’agacée :
– Ça vous surprend ?
– Un peu, ironisa Fabien. La mémoire commencerait-elle à vous faire défaut ?
Elle risqua :
– Ne serait-ce pas ce type qui s’est tué en faisant du vélo ?
– Ah, dit le commissaire avec satisfaction, ça vous revient ?
Le front de Mary se plissa.
– Ça me revient en effet, car il est rare que la presse s’étende de la sorte sur un banal accident de circulation.
– Minute ! dit Fabien. Quand un des industriels les plus importants de la région disparaît aussi bêtement, l’affaire mérite qu’on s’y attarde.

Quelques jours après être revenue de ses « congés » vannetais (« Fallait pas commencer », enquête n° 51-52), et toujours – on s’en apercevra – partiellement sous le coup du traumatisme subi précédemment à Roscoff (« Ça ne s’est pas passé comme ça », enquête n° 48-49), Mary Lester est entraînée dans une nouvelle chasse au passé, comme les affectionne de plus en plus – me semble-t-il – son auteur Jean Failler, avec le retour d’un personnage issu de ses débuts au commissariat de Quimper (« La mort au bord de l’étang », enquête n°3). « Le vautour revient toujours », publié en avril 2019 aux éditions du Palémon, ne se contente pas de relier l’accident de chasse de jadis à l’accident de vélo d’aujourd’hui, mais visite à nouveau en détail cette bourgeoisie industrielle du Finistère-Sud, dont l’auteur  sait se délecter – et nous, lectrice ou lecteur, avec lui – à brocarder les travers et les palinodies, conduites depuis les intérieurs feutrés des riches demeures des bords de l’Odet. Avec dans le paysage un ex-détenu récemment libéré pour bonne conduite, un ferrailleur à succès, une veuve fort peu éplorée, quelques gendarmes un peu empruntés et l’habituelle équipe entourant le commandant Lester, voici donc une enquête solide, peut-être un peu trop linéaire, ou manquant – par contraste – du joli chaos qui habitait la précédente.

De lourds nuages gris se déchiraient parfois, laissant passer des rais de soleil aigus comme des traits de projecteur qui faisaient brasiller l’océan et grogner l’adjudant Le Braz qui avait oublié ses lunettes de soleil.
Ici, un vieil homme s’activait lentement dans son carré de chous, là, deux femmes s’entretenaient au bord de la route, les mains serrées sur leur lourd châle bigouden.
La route se mit soudain à descendre et une statue de Bigoudène grandeur nature en costume traditionnel apparut, dominant une échancrure entre deux falaises.
– Pors Polhan, dit laconiquement Le Braz.
Dans cette faille, le seul abri précaire de cette côte ouverte aux colères de l’Atlantique, une petite population de marins abritait ses canots.
La passe était désormais protégée par deux digues de béton, mais on sentait que c’était là une défense bien fragile contre les fureurs de l’océan.
Autrefois, les anciens disposaient d’un treuil à main au moyen duquel ils tiraient leurs bateaux au sec pour les protéger du gros temps. Ce vieil appareil rouillait sous les ronces, désormais inutile.
Les pêcheurs modernes disposaient de canots en plastique bien plus légers, d’automobiles et de remorques pour les mettre au sec sur les galets du haut de la grève.
Le hameau ne comptait que quelques maisons et un bistrot où l’on pouvait se procurer tous les produits de première nécessité.
Suivie par les regards curieux de quelques vieux marins intrigués par la présence de la gendarmerie dans leur port, la voiture remonta vers Audierne, passant le long de très vieilles installations agricoles sur un chemin pentu où deux voitures ne se croiseraient pas sans peine.
Le chauffeur emprunta le pont qui mène à Audierne et, après quelques kilomètres, quitta la départementale pour suivre une voie beaucoup plus étroite qui descendait vers la mer.
La voiture traversa un joli petit bourg blotti autour d’une imposante église avant d’emprunter un chemin qui desservait les exploitations agricoles d’alentour. Le bitume était souillé de traces de boue et, par endroits, de bouses de vaches dans lesquelles les roues crantées des tracteurs avaient imprimé leurs marques.
– Nous arrivons, annonça l’adjudant.
Il arrêta son véhicule au bord du chemin et montra les lieux. Le terrain était vallonné.
– Voyez, Larnaca arrivait de là-haut…

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