☀︎
Notes de lecture 2013

Note de lecture : « Six photos noircies » (Jonathan Wable)

Deux bizarres scientifiques enquêteurs de l’étrange, dans un régal nécessaire.

xxx

six photos noircies

« On ne sait pas grand-chose des vies de Valente Pacciatore et Tirenzio Perrochiosa. »

Anthropophagie ordinaire, écureuils tueurs, capes enchantées, restaurants secrets de monstres cannibales, métamorphoses subites et subies, parasites géants, communautés de singes prenant subrepticement le contrôle de châteaux isolés, mystérieux collectionneurs d’yeux arrachés aux vivants, patients dresseurs de chiens en vendetta avec d’illuminés dresseurs d’ours, créatures des fleuves prêtes à saisir le voyageur imprudent, chanteuses de cabaret ne répugnant pas au meurtre en série, étranges et sanguinaires poissons amazoniens, … : les deux héros de ces 20 nouvelles, l’un biologiste et photographe, l’autre médecin et chercheur, arpentent le monde entier d’un incertain entre-deux-guerres, appelés par des confrères, attirés par la rumeur de quelque lovecraftien indicible, ou simplement aiguillonnés sur place par leurs propres recherches – que nous ne connaîtrons pas, pour se confronter à l’horreur et au fantastique, avec leurs yeux de scientifiques « de terrain », patiemment organisés et méthodiquement curieux.

JWPortrait

Jonathan Wable réussit ici le tour de force de nous proposer, dans une impeccable écriture, toute en retenue et sans effets de manches, à la fois une synthèse de l’essence du fantastique insidieux à la E.T.A Hoffmann, de l’horreur benoîtement constatée à la Edgar Allan Poe et du positivisme scientiste à la Jules Verne ou à la Arthur Conan Doyle, une inquiétante actualisation de l’enquête médicalo-anthropologique sur le « bizarre » (on croit sentir, par moments, l’ombre blasée et imperturbable d’un Fox Mulder ou d’une Dana Scully, que rien ne pourrait vraiment étonner, jamais), et enfin – et surtout, un passionnant et subtil jeu littéraire dans lequel énormément serait suggéré, évoqué ou induit, et fort peu effectivement écrit ou révélé, laissant joyeusement un gros travail à la charge de l’imagination du lecteur.

ecureuil

Un régal nécessaire, sur lequel on pourra se précipiter fin mars 2013, grâce à l’éditeur Attila, toujours inspiré.

« Il trouva l’église sur le bord de l’Adige, bien cachée au milieu d’un groupe d’immeubles, à cent mètres du pont de Castelvecchio. Il hésita un instant et entra. A l’exception de deux ou trois personnes qui priaient, elle était déserte.
Il avança vers l’autel entre deux rangées de bancs, et s’assit à l’extrémité de l’un d’eux. L’intérieur était lumineux, dépouillé, les colonnes et les murs simplement rayés de rouge et de blanc. Au bout de quelques instants, il entendit un étrange murmure, sur sa droite, qui provenait du confessionnal adossé au mur du bas-côté longeant la nef. Il voyait dépasser une paire de jambes agenouillées, dont la pointe du pied droit tapait de petits coups réguliers contre le sol.
Il était trop loin pour entendre ce que disaient ces voix, mais bercé par leurs chuchotements très lents, il s’endormit. Dans son rêve, l’église devenait un immense labyrinthe dans lequel il errait. Chaque porte donnait sur de nouvelles salles aux dimensions de plus en plus réduites. Le manque d’espace l’oppressait, il se sentait devenir fou. Les dernières bribes dont il se souvenait étaient les plus terrifiantes : au son de cloches, de petites araignées grimpaient sur son corps. Il les poussait avec ses mains, mais elles revenaient de plus en plus nombreuses, jusqu’à ce qu’elles le recouvrent complètement. »

On peut consulter un très intéressant entretien avec l’auteur sur Libfly. Ce qu’en dit avec une grande justesse ma collègue et amie Charybde 7, c’est ici. On pourra ci-dessous regarder et écouter la rencontre organisée chez Charybde à l’occasion du lancement de l’ouvrage, le 4 avril 2013. Et pour acheter le livre chez Charybde, c’est .

xxx

)

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Archives