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Notes de lecture 2018, Nouveautés

Note de lecture : « Cinéma inferno » (Jean-Marc Flahaut & Frédérick Houdaer)

Une exploration poétique rusée des faces infernales du septième art, en chacun de nous.

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Flahaut 1

BANDE-ANNONCE
dans un monde sans avenir
où la frontière entre le bien et le mal n’existe plus
dans une société déchirée par la violence
où le mot justice n’a plus aucun sens
dans une ville livrée au chaos
où règne la loi du plus fort
l’amour
que vous soyez d’accord
ou pas
l’amour
demeure le seul espoir
que vous le vouliez ou non

Patrick Bouvet nous avait offert en 2012 le somptueux « Pulsion lumière » pour tenter de séparer poétiquement, dans les creux du cinéma, les clichés industriels de leur art résiduel parfois si secret. C’est dans la collection poésie des éditions Le pédalo ivre, en juin 2018, que Jean-Marc Flahaut (dont on avait tant apprécié la « Deadline » en 2017) et Frédérick Houdaer nous proposent, malicieux et néanmoins incisifs, une incursion poétique dans la part démoniaque, volontaire ou involontaire, fortuite ou nécessaire, authentiquement sombre ou matoisement légère, qui se niche au cœur du septième art, tel qu’il vit, à divers degrés, en chacun de nous.

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À MES YEUX
les vrais indiens
je veux dire
les hindous
qui parlent allemand
dans Les trois lanciers du Bengale et Le tombeau hindou
sont d’une crédibilité parfaite

Évoluant avec grâce, clins d’œil élégants et jolies grimaces à sens multiples, de Michael Haneke à Bob Rafelson, de Derek Jarman à Ray Harryhausen, de Roger Pierre à Jean-Marc Thibault, de Henry Hathaway à Stanley Kubrick, de John Carpenter à Pier Paolo Pasolini, de Michael Cimino à Oliver Stone, d’Alan Taylor à Brian de Palma, de Merian C. Cooper à Ernest B. Schoedsack, de Nagisa Oshima à David Fincher, de John McTiernan à Steven Spielberg, de Jean-Jacques Beineix à Ken Russell, Jean-Marc Flahaut et Frédérick Houdaer multiplient les rapprochements sauvages et évocateurs, naturels ou incongrus (au sens de Pierre Jourde), exploitent les interstices poétiques ou cruels que laissent ouverts les mémoires fluctuantes des films déjà vus.

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LE SHINING (ET COMMENT L’AVOIR)
lettre
de Jack Torrance
à un jeune poète :
oh tu sais
ça veut rien dire du tout
le nombre de pages

Il n’y a toutefois pas uniquement le choc des films eux-mêmes, dans « Cinéma inferno » ; au fil des 75 pages, tout un autre univers émotionnel, voisin, entremêlé, se fait jour à son tour, sous les souvenirs : actrices et acteurs, cinémas de quartier et monstrueux multiplexes, pop-corn et video-club, genres et thèmes, critiques sagaces et clichés malmenés, premières séances et derniers bals, fantasmes prépubères et erreurs de casting. Un monde bouillonnant de poésie tranchante ou tendre (et souvent les deux) habite ces toiles projetées sans réel aléa sur nos mémoires. Une poésie vivante des souvenirs partagés autour des écrans et des obsessions personnelles qui en découlent, que l’on découvre en beauté, à chaque tour et détour, finalement universelles.

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CONFUSION
j’entre dans un bar
je fais ça tout le temps
lorsque je suis loin de chez moi
j’entre dans un bar
dans le fond de la salle
des types fortement alcoolisés
se mettent à brailler autour d’un billard
l’un d’eux renverse aussi de la bière sur son pantalon
je les dévisage un à un
c’est plus fort que moi
je ne peux m’en empêcher
et soudain
je m’aperçois que je me suis planté
à la fois d’animal et de film
ce n’est pas un bar d’usine
c’est un pub branché du centre ville
ces gars-là ne sont pas des métallos
ce sont des étudiants d’une école de commerce voisine
de futurs managers spécialisés dans la gestion d’actifs
et la prévention des risques
on n’est pas dans The deer hunter
mais dans Wall street
aucun de ces jeunes loups ne va y rester
ils vont tous s’en sortir
ce sont leurs futurs clients qui vont mourir
je paye mon verre
you’re just too good to be true
je vérifie que j’ai bien mon portefeuille
can’t take my eyes off you
je sors sous une petite pluie fine
je rembobine

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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  1. Pingback: Note de lecture : « Stockholm  (Jean-Marc Flahaut) | «Charybde 27 : le Blog - 3 juin 2021

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