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Notes de lecture 2012

Note de lecture : « La maison haute » (Anne Nivat)

Apparatchiks décrépits et nouveaux riches : la visite intime d’un gratte-ciel de Moscou après l’effondrement de l’Union Soviétique.

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La Maison haute

Quatrième livre de l’auteur publié en 2002 aux éditions Fayard, «La Maison haute» de la journaliste, écrivain et reporter de guerre Anne Nivat qui est surtout connue pour ses livres sur les guerres, en Tchétchénie, en Irak et en Afghanistan, est fidèle à sa méthode de travail, au plus près des gens pour rendre compte de manière nuancée d’une réalité complexe, et il forme un récit passionnant sur les transformations de la société moscovite après l’effondrement de l’Union Soviétique.

La Maison haute, immeuble monumental et grandiose officiellement inauguré en 1952, surnommé «cauchemar du pâtissier» par certains, est l’un des gratte-ciels célèbres de Moscou, témoignage des transformations radicales de la capitale à l’époque stalinienne.

Sous-titré «Des Russes d’aujourd’hui», le livre d’Anne Nivat rassemble des portraits de ses habitants dans leurs appartements. Aux antipodes de l’immeuble du chef d’œuvre de Vladimir Makanine, «Underground ou Un héros de notre temps», gigantesque cité d’anciens appartements communaux en cours de privatisation, la Maison haute abrite l’autre extrémité du spectre social, dans une société russe en plein bouleversement.

Tour d’horizon de ce géant de pierre, portraits et paroles des habitants des «Appartements-musées» et des «Appartements-design», Anne Nivat compose un livre à l’image de la Russie à l’orée du XXIème siècle, écartelée entre deux réalités, «l’ancienne soviétique, encore pesante ; et l’actuelle, la post-communiste, que l’Occident a du mal à comprendre tant elle est indéfinissable et fluctuante

download (4)Qu’est-il advenu de l’homo sovieticus ? Onze ans avant la parution du livre extraordinaire de Svetlana Alexievitch, Anne Nivat témoigne déjà, de manière émouvante, de la coupure entre générations, entre les membres vieillissants de la Nomenklatura soviétique et ceux qui se sont brutalement enrichis, et souligne la disparition d’un monde, d’une élite intellectuelle soviétique amoureuse des livres et des arts. La folie et l’absurdité du système soviétique sont évoqués, parfois avec humour, mais aussi la dissolution de la culture et des valeurs russes dans le nouveau capitalisme, incarné par les nouveaux riches et les hommes d’affaires dans leurs appartements design.

«Nous étions ravis de vivre ici, même s’il fallait fendre du bois à la hache. La chaudière n’est apparue qu’à l’occasion de la jonction de l’aile A et du corps du bâtiment central en 1952, quand on a «cousu son bouton à la pelisse», comme disait mon père en riant. Dans notre aile, il n’y avait que des officiers du NKVD choisis personnellement par Staline ; aussi étions-nous plutôt heureux d’avoir à présent des artistes pour voisins.» 

«Étant né ici, j’y mourrai. Entre-temps, j’aurai bourlingué dans quarante-six pays du monde, comme acrobate et jongleur. Mon père était artiste, il venait de Rostov-sur-le-Don ; ma mère était ingénieur, diplômée de géodésie et de cartographie. Comme futur métier, je n’avais pas le choix : c’était soit les «organes», soit le cirque. Bien évidemment, à cause de mes noms et prénoms, certaines personnes ont essayé de me pousser à entrer dans les «organes», on voulait même que je devienne général, mais moi, j’ai opté pour la liberté de l’artiste… »

Le cinéaste russe Pavel Lounguine a réalisé en 2004 un documentaire directement inspiré du livre d’Anne Nivat.

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À propos de Marianne

Une lectrice, une libraire, entre autres.

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