Une farce paillarde et rageuse, passant en revue les clichés racistes mis en scène et en excès…
Publié en 2001 aux Continents Noirs de Gallimard, le premier roman sous son pseudonyme de Sami Tchak du Franco-Togolais Sadamba Tcha-Koura, après deux romans sous son vrai nom, marquait une rupture risquée, brutale, farceuse, et au final bien jouissive.
Un narrateur énervé, Noir « né ici » (en France), est lancé à fond de train dans un récit autobiographique non chronologique, en forme de diatribe affectant une réelle violence (chaque court chapitre, au long des presque 300 pages, invective son sujet, son destinataire ou son protagoniste : » P… de nés là-bas ! », « P… de clan ! », « P… de diplômés ! », « P… de villageoises ! »,…). Naviguant au gré des souvenirs, des anecdotes et des explications de ce combinard de génie évoluant entre Paris et sa banlieue, c’est l’occasion pour Sami Tchak de se lancer dans une aventure périlleuse, magnifique et désopilante si l’on parvient à régler sa lecture sur le « bon » degré de distance, d’humour et d’ironie extrêmement grinçante… En effet, le narrateur défend tour à tour, avec une verve et une phrase proprement terrifiantes d’efficacité, à peu près tous les clichés racistes à l’égard des Africains, en France ou au pays, les mettant en scène avec une extraordinaire conviction apparente et une intense mauvaise foi, pour des morceaux de bravoure sur la famille, les études, le sexe, la prostitution, les combines, la cuisine, la religion, la vie dans la cité, l’attachement au pays, …
Passé un moment d’incrédulité, il faut se laisser emporter par ce flot rageur, et chevaucher cette tumultueuse farce rabelaisienne pour établir, entre les rires étouffés, la facilité avec laquelle on peut faire prendre vie et vérité à tant de lieux communs, en usant sans vergogne (et avec une maîtrise langagière impressionnante) de la déformation d’un éventuel fait réel pour, à chaque fois, en faire une immense caractéristique générale se précipitant au-devant des attentes d’un public malintentionné.
Une lecture qui renvoie en écho rieur au très sérieux « Je suis noir et je n’aime pas le manioc » de Gaston Kelman, et aux jubilatoires et polyphoniques « Dans les cités » de Charles Robinson et « Le clan Boboto » de Joss Doszen.
Un livre dont on sort en riant, impressionné, mais sans pouvoir écarter, malgré tout, un certain malaise, tant la dénonciation « sous faux pavillon » est exécutée avec brio…
La note de lecture sur « Dans les cités » de Charles Robinson est ici.
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