Un polar déjanté du maître béninois de l’humour noir.
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Paru en 2010 au Serpent à Plumes et dernier roman en date (Note ajoutée : jusqu’à la parution en avril 2014 de « La traque de la musaraigne ») de l’écrivain béninois Florent Couao-Zotti, cet authentique polar nous permet de renouer avec la verve truculente et l’inventivité qui nous enchantent dans ses nouvelles.
Un extrait de la quatrième de couverture : « Mais les nuits à Cotonou ont de multiples saveurs, qu’elles proviennent des fantômes teigneux, des amazones ou des populations elles-mêmes. Des gens qui aiment se rendre justice et charcuter au couteau tous ceux qui, dans leurs quartiers, sont surpris en flagrant délit de « pagaille nocturne ». Pour eux, personne ne peut leur donner de leçon : si la cour du mouton est sale, ce n’est pas au porc de le dire ! »
Très brefs extraits, pour la saveur :
« Mais alors, comment partir d’ici ? Comment sortir de Cotonou ? Aucun homme de main sur qui compter en cette situation. Même le commissaire Tonoucon, à qui il glissait souvent quelques « ferme-gueule » pour obtenir des protections, ne pourrait pas lui apporter le moindre petit grain de sel. Il était tombé en disgrâce et s’ennuyait dans les profondeurs de l’anonymat, depuis qu’il avait été confondu dans une affaire de détournement de fonds publics. Et les manas manas ? Ce menu fretin d’agents, brigadiers ou autres gardiens de la paix ? Il ne comptait jamais d’amis parmi eux. Vaut mieux, dit-on, avoir affaire directement à Dieu qu’à ses saints. »
« Elle se leva. Il lui fallait au plus vite rendre inutile la Sylvana, la mettre hors d’état de nuire, en lui attachant le poignet. La jungle n’est pas une affaire de midinettes, ni de sentimentalisme. Il faut savoir rendre griffe pour griffe, morsure pour morsure. Autrement, on risque d’y laisser plus que ses ovaires. »
« Il sortit de sa poche une liasse de billets et la leur tendit. Un silence accueillit sa proposition. Le vieil homme soupira. – Si tu gardais cet argent pour t’acheter un peu de jugeote, lança-t-il, je crois que tu mentirais moins et tu ne nous prendrais pas pour des demeurés. Regarde-toi. Tu es affreusement blessé, une de tes femmes a le groin ébréché et puis toi-même, tu as une arme. Si la vérité a du mal à sortir de ta bouche, je serai bien forcé de te l’arracher. Les jeunes du quartier sont avec moi. Ils ont une expérience dans le tabassage et le charcutage. »
Si l’on retrouve par moments aussi quelques tonalités proches de l’ « African Psycho » d’Alain Mabanckou, c’est comme précédemment l’humour noir et les moments de farce débridée qui emportent l’adhésion, enveloppant toujours une lucidité sociale et politique plutôt imparable. La construction narrative par moments décousue dilue peut-être un peu les effets que les nouvelles (dans « L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes » ou bien dans « Poulet Bicyclette & Cie ») concentraient avec tant de bonheur, mais constitue aussi un bel hommage aux enchaînements d’apparence parfois disparates et aux successions de coïncidences qui caractérisent le hard-boiled de l’âge d’or, même ainsi transplanté à Cotonou. À encore creuser sur d’autres écrits du même auteur donc, car la sensation à la lecture appelle de nouvelles doses !
Le beau billet de Liss dans la vallée des livres est ici. Celui, également très intéressant, d’Élodie Maillot sur son Blog Villes-Mondes de France Culture est là.
Pour acheter le livre chez Charybde, c’est ici.
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