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Notes de lecture 2012

Note de lecture : « Poulet-bicyclette & Cie » (Florent Couao-Zotti)

Plages, trafics, superstitions délétères, amours tragiques au Bénin contemporain.

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Publié en 2008, le dernier en date des recueils de nouvelles de Florent Couao-Zotti – sans doute l’auteur béninois le plus intéressant aujourd’hui, et l’un de mes auteurs africains préférés – poursuit les pistes lancées dès « L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes » (2000), et explore de nouvelles facettes des réalités africaines contemporaines.

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Ici, le pouvoir délétère de la religion et de la tradition en prend pour son grade (et tout particulièrement la force absurde des préjugés irrationnels dans « Femelle de ta race », « Le fils de l’ancêtre », et surtout la magnifique « Enfant-siège, enfant-sorcier »), tandis que le tribut prélevé sur les humbles par les duretés du tout-monétaire sont à nouveau mises en exergue (dans le superbe « Barbecue blues »), et que les cocasses absurdités du quotidien, ou les terribles foudres de la passion amoureuse, et leur poésie souvent tragique, rythment le recueil (« Les amants du soleil », « Métal rapiécé », « Le retour du mort », « Sortir de la nuit », « Brèves de mur », ou encore l’étrange et inhabituellement sahélienne « La femme étoile »).

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Bien marqué par la sourde présence de la mer au long de la route des Pêches de Cotonou, ce recueil enchante et désole souvent simultanément, dans ce qui devient de plus en plus la marque de fabrique de l’auteur de Porto-Novo (Bénin).

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« Dans la pièce, il y avait le désenvoûteur. Un immense corps de cocotier drapé dans une soutane blanche. Pasteur christianiste-céleste, qu’il s’intitulait. Prêtre officiant qui alliait Christ et vaudou, chapelet et gris-gris, sourates et incantations. Il était debout, les mains jointes sous le menton, les lèvres tordues par des prières. Ton enfant, ton petit bout de citron pleurait. Il libérait de gros traits de larmes, écarquillait le son de sa voix à tous les coins de la pièces. Avait-il mal ? L’épreuve était-elle supplice ? Pourquoi tant de pleurs, petit espoir de ma vie ? (…)
Le gourou étendit alors ses bras, exécuta, d’un geste empesé, le signe de croix et pointa son index sur le front de son jeune patient. Et la litanie monta, injonctive, libérée à fureur :
– Je t’ordonne de quitter cet ange ! Je t’ordonne, vipère horrible, d’abandonner le corps de cet enfant que tu souilles !
Les deux assistantes, sur le même ton enfiévré, reprirent aussitôt en chœur :
– Alléluia !
– Je te somme de ta casser, affreux salopard !
– Alléluia !
– Je t’intime l’ordre d’aller te faire mordre ailleurs !
– Alléluia !
– Je te dis d’aller te faire tirer la queue en enfer !
– Alléluia ! Luia ! Luia !
Et en hurlant, le gourou frappait de son poing le « diable » à travers le buste de l’enfant. Des coups de poing pointus. Des coups de poing marteau. »

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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