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Notes de lecture 2018, Nouveautés

Note de lecture : « C’est la faute du vent… » – Mary Lester 50 (Jean Failler)

Baie d’Audierne, vestiges du mur de l’Atlantique et blocs contemporains. Mary Lester en vrais-faux congés.

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Moins de six mois après « Ça ne s’est pas passé comme ça » (n° 48-49), qui se déroulait principalement à Roscoff, Mary Lester est de retour pour deux enquêtes paraissant simultanément en octobre 2018 aux éditions du Palémon dirigées par l’auteur, Jean Failler. « C’est la faute du vent… », cinquantième enquête de la commandant de police basée à Quimper depuis plus d’une trentaine de titres, est offert aux lecteurs et lectrices comme « bonus » d’un pack de trois volumes comportant aussi l’enquête suivante, « Fallait pas commencer » (n° 51-52), et sera ensuite publiée à nouveau « normalement » en janvier 2019.

La Toussaint était toujours une période de mélancolie et d’enchantement pour Mary Lester. De mélancolie car elle pensait plus ardemment à ses chers disparus, à sa mère, qu’elle n’avait jamais connue car elle était morte en la mettant au monde. C’était là une de ses grandes douleurs et elle préférait être seule pour mélancoliser à sa guise.
Elle ne manquait jamais de fleurir la tombe de ses grands-parents, qui l’avaient élevée et dont elle conservait un souvenir ému.
En cette période sacrée, toute intrusion extérieure aurait été très mal perçue. Ses amis le savaient, tout comme son patron, le commissaire divisionnaire Fabien, qui lui octroyait, sans qu’elle ait à la réclamer, une semaine de vacances à cette époque. Voilà pour la mélancolie.
L’enchantement était dans le fleurissement éclatant de la ville. À cette occasion les jardiniers municipaux se surpassaient. Au long de l’Odet qui traversait la ville, des jardinières suspendues aux rambardes de vieux fer pendaient d’extraordinaires touffes de chrysanthèmes aux riches couleurs où les ocres se mariaient à des bruns roux d’où jaillissaient comme des feux d’artifice des jaunes d’or éclatants ou de sanglantes inflorescences écarlates.
À marée haute, cette exubérante floraison se reflétait dans le  vert des eaux saumâtres qui remontaient de l’estuaire.

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Treguennec

Usine de concassage de galets de Tréguennec

Après les événements mouvementés et les chocs encourus durant l’investigation sur les trois noyades de Roscoff, Mary Lester goûte un congé bien mérité. De retour dans le confort douillet de sa petite maison de la venelle du Pain-Cuit, choyée par sa voisine Amandine et veillée par son chat Mizdu, dont les talents particuliers ne sont guère mis à contribution ces dernières années, elle se retrouve toutefois impliquée dans une enquête, à son corps défendant et par le biais d’un mot manuscrit mentionnant son nom, retrouvé sur un cadavre dans les dunes de Tréguennec, non loin des restes désaffectés de l’usine de concassage de galets bâtie là par l’Organisation Todt durant la deuxième guerre mondiale, pour alimenter le mur de l’Atlantique (et on a donc au passage, curieusement, une pensée émue pour le grand Paul Virilio de « Bunker archéologie »).

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Mary Lester dans la série télévisée de 1999 (Sophie de la Rochefoucauld)

Et puis au début des années quatre-vingt-dix, alors qu’une horrible zone commerciale avait défiguré le site, le gouvernement avait décidé de classer la pointe du Raz comme « grand site national ». Il convenait donc de faire table rase de toutes les constructions qui parasitaient la majestueuse pointe de granit enfoncée dans la plus tumultueuse des mers.
Les marchands de ce temple de la nature qu’est l’austère pointe du Raz avaient été refoulés dans les terres, et avec eux on avait mis à bas l’hôtel de légende de Marie Le Coz qui avait vaillamment résisté aux plus monstrueuses tempêtes d’Ouest. La fureur des hommes est parfois aussi aveugle que celle des éléments et la pauvre bâtisse n’avait pas pesé lourd face aux bulldozers des démolisseurs.
Les pétitions de quelques nostalgiques dans son genre n’avaient pas réussi à faire fléchir la résolution de politiques désireux de rendre au Raz et à sa pointe leur caractère sauvage, effaçant toute trace du passage de l’homme et de ses automobiles.
Voilà, une page était tournée mais Armand Demaisieux, sociétaire de la Comédie-Française et acteur de cinéma très en vogue, avait gardé la nostalgie de la cassine au toit d’ardoise, minuscule point blanc dans ce site écrasant et pourtant havre de grâce pour les amants en quête de solitude.
Il avait donc déplacé son lieu de villégiature quelques kilomètres plus au sud, sur une palud aussi rase et aussi déshéritée que celle du raz de Sein, près du village bigouden de Tréguennec que les surfeurs de toute la région avaient choisi pour ses hautes déferlantes qui se brisaient inlassablement sur la côte dans un fracas de fin du monde.

Gendarmes irascibles comme à l’accoutumée (mais moins complaisants envers les puissants que ceux de l’épisode précédent), cadavres mystérieux, mais aussi acteur célèbre et championne d’équitation en villégiature, et même zadistes de Notre-Dame-des-Landes échoués en baie d’Audierne, cette enquête, fort belle occasion également de savourer les paysages hors saison de la pointe de la Torche et de son arrière-pays, quoique courte, est sans doute l’une des plus réjouissantes et vives parmi les récentes prouesses de Mary Lester, et, malgré quelques ratiocinations politiques toutefois fort maîtrisées, est beaucoup plus alerte et agréable que, par exemple, la n°48-49 à Roscoff. C’est ainsi que Jean Failler, lorsqu’on le croit en baisse de régime, nous démontre au détour de vacances de Toussaint plus mouvementées que prévu qu’il n’en est rien, et que s’il y a indéniablement désormais des « bas » dans sa production, des « hauts » sont toujours au rendez-vous.

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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