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Notes de lecture 2013

Note de lecture bis : « Paris est un leurre » (Xavier Boissel)

Au croisement de la dérive urbaine et de la philosophie, l’histoire de la ville-leurre ébauchée en 1918 pour tromper l’aviation allemande.

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«À la fin de la première guerre mondiale, vers 1917, l’État-major français décide de planifier une réplique de Paris et de ses environs destinée à duper les aviateurs allemands susceptibles de venir bombarder l’agglomération parisienne.»

Dans une dérive psychogéographique sur les traces de ce projet fascinant à peine édifié du fait de l’armistice, dans la lignée du «London Orbital» de Iain Sainclair ou de Philippe Vasset, Xavier Boissel fonde dans cet essai, publié en 2012 aux excellentes éditions Inculte, une rêverie philosophique sur les traces de ce faux Paris, dont l’histoire semble elle-même être un leurre, sur le leurre dans la guerre, et sur un Paris capitale-vitrifiée, qui se rapproche aujourd’hui d’un simulacre de réel pour ceux qui ne s’aventurent pas dans ses marges ou ses interstices.

Lors des premiers bombardements aériens sur Paris en 1915, les parisiens n’eurent pas peur. Ils installèrent des chaises et louèrent des longues-vues sur la Butte Montmartre, pour attendre l’apparition quotidienne dans le ciel des Taubes, les premiers avions militaires allemands, comme si le spectacle du lâcher de bombes s’apparentait à un divertissement.

Illumination par Fernand Jaccopozi (1925).

Comme Marcel Cohen l’a relevé à propos du tournant de cette époque, cette anecdote se situe à des années-lumière de nous.
Rapidement, les avions évoluèrent, la guerre aérienne devint beaucoup plus offensive, et les militaires français conçurent ce projet fascinant d’édifier un faux Paris pour tromper l’aviation allemande. La tradition du leurre dans la guerre est bien sûr très ancienne, et Xavier Boissel nous en rappelle les épisodes les plus fascinants, du cheval de Troie aux chars gonflables irakiens pendant la guerre du Golfe ; mais ce projet-ci semble être l’enfance du leurre, par son inachèvement, son caractère utopique, un projet d’avant l’âge de raison.

Suivant le fil ténu de vestiges incertains, au hasard des trouvailles sur le bord du chemin, de son imagination et de son érudition, Xavier Boissel établit des correspondances passionnantes sur le réel et son double, autour en particulier du parcours de l’ingénieur Fernand Jacopozzi. Jacopozzi fut en charge des plans et des lumières de ce faux Paris, et devint plus tard, dans un glissement extrêmement significatif, l’illuminateur de la Tour Eiffel et des grands magasins, dissimulés par ses créations sous des milliers d’ampoules publicitaires, figures «de ce que l’on pourrait considérer comme un programme d’écriture du capitalisme» selon Philippe Artières.

Autour de la figure de ce mage de la lumière, sur les traces du faux Paris, figure annonciatrice de la déréalisation de la guerre évoquée avec brio dans son roman «Autopsie des ombres», Xavier Boissel passionne, et ouvre «les possibilités d’un éveil encore chevillé au rêve».

Ce qu’en fit fort justement mon ami et collègue Charybde 2 est ici.

Xavier Boissel sera l’invité de la librairie Charybde le 7 décembre prochain en soirée pour fêter la parution de son roman policier «Avant l’aube».

 

À propos de Marianne

Une lectrice, une libraire, entre autres.

Discussion

3 réflexions sur “Note de lecture bis : « Paris est un leurre » (Xavier Boissel)

  1. a quand un projet de livre-leurre pour tromper le goncourt ?????

    Publié par jlv.livres | 4 décembre 2017, 07:47
  2. … après l’écrivain-leurre qui trompa le Goncourt en 1975 !

    Publié par Charybde 7 | 4 décembre 2017, 08:57
  3. commentaire qui n’a rien a voir (comme d’hab…)

    reçu une relance pour « Jerusalem » d’Alan Moore.
    franchement………
    après le tam-tam médiatique de la sortie (LE livre culte…)
    après la pub faite aux éditions réservées (sous embôitage)
    après la volonté affichée de ne pas vendre un livre comme une savonnette

    après les discussions avec de nombreux libraires (et leur stock difficile à écouler)
    et en être resté à la page 500, et m’être forcé à continuer plusieurs fois auparavant

    j’en déduis que la prochaine fois j’achèterai une savonnette. Au moins, comme Rantanplan, j’en ferai usage.

    Publié par jlv.livres | 5 décembre 2017, 13:27

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