Entre science, poésie et questionnement métaphysique, Nicolas Cavaillès sonde le mystère du saut des baleines.
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C’est un petit livre étrangement beau qui résiste à la compréhension, comme le saut aérien des grands cétacés.
La grande majorité des baleines saute, de temps en temps, bonds ésotériques dont la beauté et la puissance fascinent d’autant plus que leur sens nous échappe. Nicolas Cavaillès traque, dans une écriture qui prend des habits multiples de la poésie à l’équation, le sens de ces surgissements sporadiques et mystérieux.
«Le saut fournirait à la baleine son ivresse, une fête solitaire, un peu suicidaire peut-être, une sortie, une libération exaspérée, si brève soit-elle, une expérience totale soulevant le monstre de sa tête jusqu’à sa nageoire caudale, une secousse monumentale pour se soustraire un instant à la tautologie sous-marine. N’étant par moments plus capable de supporter le contact étouffant de l’eau, elle sauterait en quête d’une échappatoire à son existence, pour fausser compagnie à son élément comme à autrui, pour un instant de solitude aérienne, de pause, de transcendance peut-être ou d’inconscience, et d’oubli.»
Le saut de ce titan des abysses, avec son cœur colossal qui pèse six cent kilos, «un humain ne suffirait pas à en boucher une artère», est aussi grandiose que la chute qui lui succède, abandon à l’insurmontable attraction terrestre.
Comme les migrations des cétacés, ce texte dédié au poète Guennadi Gor se termine aux confins du Pacifique Nord, sondant le sens de ce qui se dérobe – métaphore de l’écriture hantée par la volonté de connaître et la peur de dénaturer le monde par cette même connaissance, comme les océans, ces cimetières suffocants abîmés par l’homme.
«Tout se brouille, et les envolées fantomatiques dont je suis hanté ressemblent parfois à d’orgueilleux affronts défiant la Camarde.»
Après la transfiguration du destin d’un huguenot de cinquante ans contraint à l’exil suite à la révocation de l’édit de Nantes dans « Vie de Monsieur Leguat » (2013), « Pourquoi le saut des baleines » (éditions du Sonneur, 2015) est un nouvel enchantement de Nicolas Cavaillès.
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