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Notes de lecture 2015, Revues

Note de lecture : TINA – 7 (Revue)

Février 2011 : nouvelle formule de TINA, peut-être un peu trop tirée vers l’essai au détriment de la fiction ?

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Publié en février 2011, le septième numéro de la revue TINA (d’après « There Is No Alternative », le fameux slogan thatchérien instrumentalisé en tant de circonstances depuis lors), aux éditions ère, poursuivait (en la modifiant toutefois, cette fois-ci) la belle formule, roborative en diable, associant nouvelles, extraits de romans, articles d’essai et critiques littéraires, dans une veine représentative du travail éditorial mené chez ère, formule inaugurée trente-deux mois plus tôt avec l’excellent numéro un. réaffirmée en janvier 2009 avec un numéro deux tout à fait à la hauteur, continuée en avril 2009 avec un numéro trois qui était toutefois (légèrement) décevant, et réaffirmée en août 2009 avec un numéro quatre qui renouait avec l’excellente facture précédente, puis en janvier 2010 avec un numéro cinq du même (beau) tonneau et août 2010 avec un numéro six vigoureux.

Cette « nouvelle formule » (qui n’aura connu hélas que deux numéros, le 7 et le 8, avant l’arrêt – provisoire – de la revue) proposait un format quelque peu agrandi et une thématique par numéro plus directement affichée (ici, l’argent).

Composé d’images et de citations ayant inspiré TINA depuis ses débuts, l’éditorial donne un ton de changement dans la continuité, semblant cette fois privilégier l’essai ou le discours à la fiction ou à l’expérimentation langagière, ce que l’on va voir confirmer à la lecture d’un numéro dans lequel le poids « théorique » des essais ou apparentés finit par l’emporter, de façon trop importante à mon goût, malgré l’intérêt réel des textes proposés. L’excellent entretien avec Alain Deneault (« La question offshore traversera le XXIème siècle) est sans doute l’un des meilleurs que j’aie pu lire sur ce sujet toujours central et brûlant, aussi actuel en 2015 qu’en 2011 ; les textes de Jean Zin (« Monnaie, société et individuation ») sur les monnaies locales,  de Johannes Finckh (« Contre la mécanique perverse de la monnaie : le Signe Monétaire Marqué par le Temps (SMT) ») sur les monnaies fondantes, de Barry Harbaugh et Julia Sherman (« Mission : encaisse-or ») sur l’alternative au dollar inventée par Bernard von NotHaus, ou encore de Vincent Bourdeau (« De la journée sans achat à la société sans argent ») sur le sens des boycotts consuméristes ponctuels, comme les montages graphiques autour d’un alphabet de signes monétaires construit par Société Réaliste, m’ont en revanche semblé intéressants, mais trop pointus, trop anecdotiques ou trop parcellaires dans le contexte, alors que les contributions de Paul Jorion (sous forme d’un bel entretien et d’une chronique de son « L’argent, mode d’emploi » de 2009) et de Stéphane Haber (« L’aliénation, la réification et la question de l’argent chez Marx ») sont à la fois claires, ambitieuses et passionnantes, ce qui est également le cas de celle de Guy Tournaye (« Monnaies 2.0 : à l’interface des mondes réels et virtuels »), qui souffre toutefois sans doute de l’importance élevée attachée à Second Life, rendant l’article partiellement caduc., et du (trop bref !) extrait du « Crédit à mort » d’Anselm Jappe.

Deneault Offshore

Dans Offshore, en sondant les propositions contemporaines et récentes de la culture de masse ou de la culture populaire, je me suis employé à relever un nombre impressionnant d’occurrences relatives aux paradis fiscaux. Les romans de gare de la côte Est états-unienne, les films d’Hollywood ou la bande dessinée belge, tout autant que des chefs-d’œuvre célébrés par les autorités esthétiques font régulièrement état des juridictions de complaisance, et ce, par rapport aux nombreuses opérations et activités qu’elles favorisent. Le principe de vraisemblance, toujours en vigueur tant d’années après qu’Aristote l’eut énoncé quant à la tragédie, opère ici : le public ne jugera vraisemblable, au XXIe siècle, des histoires de malversations, de trafic illicite ou de blanchiment d’argent que s’ils ont lieu offshore… Cette médiatisation de masse témoigne donc d’une compréhension partagée du phénomène… mais pas encore d’une politisation. (Entretien avec Alain Deneault)

planning

La fiction proprement dite est donc dans ce numéro réduite à une portion quelque peu congrue : une relecture critique (donc un essai, en réalité…) du mythique fragment utopique « Bolo’Bolo » de P.M., opérée par Jean Perrier, une excellente incursion thriller/noir dans le télescopage de la réalité et de la fiction à propos de paradis fiscaux, par Goldin + Senneby (« Looking for Headless »), et un très réussi fil rouge de juxtapositions financières, sociales et inclassables, conduit par Pierre Escot (« Silver Flash »), rappelant aussi à point nommé toute la puissance de son roman « Planning ».

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Comme à l’accoutumée, le cahier critique regorge de belles analyses ou chroniques sur des livres déjà connus, ou sur des découvertes qui attisent la curiosité : « Ward, Ier-IIe siècle », incluant un entretien avec son auteur Frédéric Werst, « Le début de quelque chose » (Hugues Jallon), ou « Le président des riches » (Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot), pour les premiers, « La sécurité des personnes et des biens » (Manuel Joseph et Myr Muratet), « Google God » (Ariel Kyrou) ou « La pensée PowerPoint – Enquête sur ce logiciel qui rend stupide » (Franck Frommer), pour les deuxièmes.

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Il est bien entendu toujours possible et souhaitable de commander cet ouvrage auprès de votre librairie préférée (par exemple, Charybde, ici). Il peut aussi être commandé directement sur le site des éditions ère, , pour contribuer davantage à aider cet éditeur captivant à poursuivre son précieux travail, contre vents et marées.

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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