Trente-quatre ans après « La maison du cygne », un coup de maître du fantastique couple Yves et Ada Rémy.
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Publié en 2012 par l’éditeur associatif et passionné Dystopia Workshop, ce petit livre fait figure d’événement. Yves et Ada Rémy, les auteurs du formidable « Les soldats de la mer » (1968), accaparés par leur métier commun de réalisateurs de films d’entreprise, n’avaient pas confié de manuscrit à l’édition depuis… 1978 et le couronnement de leur « La maison du cygne » par le Grand Prix de l’Imaginaire.
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C’est donc avec joie, mâtinée d’une petite dose d’angoisse, que l’on se plonge dans le texte, et que l’on est rapidement récompensé de cette (longue !) attente. Le roman se compose d’une partie principale, « Le prophète », et d’une sorte de longue nouvelle annexe (mais nullement secondaire), qui vient compléter et clore, « Le vizir ».
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D’une manière que ne renieraient ni le Borges de « L’approche d’Almotasim » (par exemple) ni les contes arabes et perses médiévaux, au premier rang desquels le célèbre « La mort à Samarcande », « Le prophète » narre, après une brillante introduction en forme de « mise en situation » (expliquant les dons surnaturels occasionnels de certains infirmes), les pérégrinations méditerranéennes d’un pêcheur de perles bahreini, au Moyen Âge, « affligé » du don de prescience… Alors qu’initialement, il « voit » l’incompréhensible à plusieurs centaines d’années dans le futur, l’horizon se rapproche au fur et à mesure qu’il avance dans son périple… jusqu’à rencontrer son propre destin.
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À la fois récit de voyage médiéval, haut en couleurs, dans cette Méditerranée largement arabisée à l’époque, et fable métaphysique sur la destinée, « Le prophète » est complété par l’étonnant « Le vizir », dans lequel l’instrument du destin du « Prophète » cherche à contourner une prédiction en bâtissant un refuge pour ses enfants, apparemment promis à la mort, au cœur du désertique Chott El-Djerid, dans le Sud tunisien. Ode saharienne autant que construction intellectuelle borgésienne, dans laquelle un fantastique proche de celui des « Soldats de la mer » effectue un surprenant retour, ce « récit après le récit », avec son clin d’œil dubitatif final, clôt en beauté ce grand retour des Rémy.
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» – Je t’ai obéi, dit Kazim.
La manche retroussée et le poignet découvert, le Purulent examinait sa plaie. Il releva les yeux.
– Que pouvais-tu faire d’autre ? dit-il en haussant les épaules. Il n’est pas de pire engeance que celle des morts. Si tu ne réponds pas à celui qui t’appelle à l’aide, imagine seulement comment il t’accueillera quand ce sera ton tour de quitter les vivants ! Sais-tu pourquoi cette blessure ne guérit pas ?
Kazim s’enfonçait dans le cauchemar. Après l’horreur de la nuit, cet homme-là lui mettait sous les yeux un chancre qui le mordait jusqu’à l’os.
– Je ne l’ai pas reçue ici… Ils ont un drôle de chien là-bas, qui rôde sur la rive d’un fleuve…
Il ajouta avec dégoût : « À plusieurs têtes… ». »
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Discussion
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