Texte, simple, beau et poignant : le quotidien et les gamberges d’un gardien de phare en mer.
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Chaleureusement recommandé par Stéphane Le Carre lors d’une discussion, issue de son « Cavale blanche », sur le roman maritime contemporain, « Armen », publié en 1967, fut le deuxième texte, et celui de la révélation, pour l’écrivain Jean-Pierre Abraham, qui fut, entre 1960 et 1995, gardien de phare, éleveur de chèvres, rédacteur de larges parties des premiers « Cours de navigation des Glénans », rédacteur d’Instructions Nautiques pour le SHOM, puis rédacteur en chef de la magnifique revue « Armen », contrepartie ethnographique du fameux « Chasse-Marée ».
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Le roman « Armen » – à la différence de son « illustre » prédécesseur, « Un feu s’allume sur la mer » (1956), d’Henri Queffélec, qui racontait la construction dantesque (il n’y a guère d’autre mot…) du phare d’Armen, en pleine mer au large de l’île de Sein et de la pointe de Bretagne – s’attache au quotidien, raconté de l’intérieur, d’un gardien d’Armen, dans les années 1960. Texte directement issu de l’expérience personnelle de l’auteur, il nous entraîne d’une manière bien surprenante entre bribes de récit, incessantes tâches de maintenance dans un univers particulièrement exposé et corrosif, intenses gamberges, quêtes intellectuelles et esthétiques, autour notamment de trois « beaux livres » qui ne quittent guère le chevet du narrateur, à l’époque : sur Vermeer, sur l’art cistercien, et sur des poèmes de Pierre Reverdy.
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« Jamais deux fois je ne reviens du sommeil de la même façon. Les choses n’ont peut-être pas changé de place, mais le chemin est toujours différent pour les rejoindre.
Lorsque Clet m’a réveillé à minuit, je ne savais pas encore que le vent avait nettoyé les étoiles et que le ciel était visible. J’étais enseveli dans ma couchette et déjà les quatre phares d’Ouessant, puis les Pierres-Noires, le Four lui-même, et tous les feux de la côte resplendissaient. À la Bouée Occidentale un pétrolier passait en dansant, illuminé comme un château. La Grande-Ourse était sur Brest, son étoile de pointe noyée dans la lueur qui couvre la ville. À l’est brillait, verdâtre, la ligne de réverbères neufs que l’on vient d’installer sur les quais de l’île. Il y avait aussi des éclairs dans l’eau, au pied du phare. »
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« J’aurais voulu voir l’homme qui a décidé cette construction. (Un illuminé, probablement. Mais on dit qu’il était humble et fort inquiet.) Lorsqu’il a connu la nature de la roche, la surface utilisable, je suppose qu’il a su aussitôt quelles seraient la hauteur et la puissance du feu. Il brillait déjà là-haut, pour lui. Il n’y avait plus qu’à bâtir une tour pour le rejoindre. »
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Un texte, simple, beau, poignant et largement vertigineux pourtant.
Il faut lire le texte que consacre le poète Jean-Claude Bourdais à la découverte de ce livre, ici, et l’article de Philippe Savary dans le Matricule des Anges, là.
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J’ai lu ce livre, un témoignage poignant effectivement. Une véritable poésie dans l’écriture, on sent que les séjours sur Ar-Men laissent une trace indélébile.
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