Onze nouvelles déjantées, où l’on défend notamment son musée à la mitrailleuse contre les assauts des punks.
Publié en 2006 chez le toujours étonnant éditeur Monsieur Toussaint Louverture, ce recueil de neuf nouvelles de Julien Campredon (plus une « note de l’éditeur » et une « note de l’auteur » qui valent bien des nouvelles !) s’approche désormais, dans mon panthéon personnel, des trésors d’un Jean-Marc Agrati.
Languedocien militant, Julien Campredon nous fait rencontrer non pas des sous-préfets aux champs, mais des maires écartelés en place publique par leurs électeurs pour avoir trop cédé aux sirènes de représentants de commerce en rond-points ou en bretelles de sortie (« Le lièvre, l’olivier et le représentant en ronds-points »), des hommes politiques spécialistes en discours assommants, statufiés de leur vivant (« Jean-François Cérious ne répond plus »), d’énigmatiques fantômes revenus s’installer frugalement « au pays » au cœur des Cévennes (« Tornar a l’ostal ou Les mémoires d’un revenant »), de sentencieux employés de Pôle Emploi endormant de jeunes chômeurs désabusés de leur litanie administrative, jeunes chômeurs qui du coup se laissent aller à des rêves aussi bizarres que séditieux (« Avant Cuba ! »), de bien curieuses manières de découvrir le sexe des femmes (« Heureux comme un Samoyède »), ou encore de jeunes auteurs de fiction tentant de démontrer en vain à de redoutables bibliothécaires borgésiens que l’écrit ne se limite pas à l’autobiographie (« Note de l’éditeur »).
Le sommet du recueil est atteint avec la nouvelle qui lui donne son titre, « Brûlons tous ces punks pour l’amour des elfes », toute en jubilation tressautante, qui constitue peut-être, dans sa brutalité gouailleuse aussi, l’une des plus efficaces analyses de la réalité du salariat – et du mercenariat qui va avec – que j’aie rencontrées.
« Putain, Benji ! A la porte et tu arroses tout ça à la grenade. Toi le bourgeois, tu me saques cette merde à la sulfateuse. Moi con, j’appelle le Vieux au talkie et en fonction je fais une sortie. Bourge, quoi qu’il arrive con, tu ne les laisses pas mettre de la lessive dans la fontaine devant le musée, après c’est chiant à enlever. Déjà qu’ils nous ont arraché les fleurs du parterre l’autre jour. Et ces flics qui ne font rien ! »
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