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Notes de lecture 2017, Nouveautés

Note de lecture : « Relever les déluges » (David Bosc)

Quatre hommes contre l’ordre du monde, pour leur liberté, l’égalité ou la fraternité. Quatre nouvelles somptueuses.

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Les personnages de David Bosc apparaissent comme des rêveurs démesurés ou des fous, épris d’un idéal ou d’une liberté qui souvent se refusent.
Après la vitalité enfiévrée et généreuse de Gustave Courbet dans «La claire fontaine», le geste illuminé et inexplicable de Sonia Araquistáin dans «Mourir et puis sauter sur son cheval», David Bosc orchestre, avec sa densité coutumière, dans ce court recueil paru en mars 2017 aux éditions Verdier, les portraits de quatre hommes qui ne se laissent pas abattre en dépit des déluges. Trois de ces quatre textes placés sous le signe des «Illuminations» d’Arthur Rimbaud étaient déjà parus en 2015 dans L’Humanité, Décapage et La couleur des jours.

Farid Imperator s’attache à la trajectoire de Frédéric II de Hohenstaufen, empereur romain érudit et flamboyant, orphelin qui a grandi à Palerme comme un agneau parmi les loups, sans pourtant qu’aucun d’eux ne parvienne à le dévorer, qui a conquis la moitié du monde sans presque jamais tirer l’épée. Avec son équipage interminable comme un gigantesque cirque, il fait le siège de la ville de Parme en ce début d’année 1248, prélude à une débâcle qu’il semble accueillir avec détachement, comme s’il parvenait à danser sur les ruines d’un désastre éclatant.

Sortie d’un détachement de Guelfes pendant le siège de Parme en 1248 .

«Devant les murs de Parme, Frédéric a bâti une ville au lieu d’un camp. Il est la Stupeur du Monde et ne doute pas, quand viendra le printemps, de pouvoir écraser ce nouveau nid de Guelfes. Il a cinquante-trois ans, il est heureux, il vient d’échapper à une nouvelle tentative d’assassinat, et qu’elle ait été organisée par le pape ajoute à son plaisir.» (Farid Imperator)

Honoré Mirabel, valet de ferme au début du XVIIIème siècle dans une bastide de la région de Marseille, plaide sa cause avec faconde lors de son procès en 1729 : escroc et affabulateur, il est jugé pour avoir voulu échapper à la misère, comme il avait échappé au tremblement de terre de Manosque de 1708 puis à la peste de Marseille en 1720. Tout lui plaît dans ce monde qui pourtant ne lui va pas ; l’évocation de ses nuits à la belle étoile, de son rapport sensuel aux joies simples du monde et à la nature rappellent les scènes lumineuses où Gustave Courbet se repaissait de nature dans «La claire fontaine».

«Depuis que les nuits sont belles de bout en bout, je laisse la chambre et je dors dehors ; je connais plusieurs coins. J’aime surtout un petit creux, le dos arrondi d’une levée de terre : il y a poussé un amandier tout rond, une vraie fleur. J’ai nettoyé l’herbe dessous à lents passages de râteau, je l’ai débarrassée des brisures de coquilles d’amandes, des branches mortes, des fruits ouverts du grand cyprès voisin. Une borne que je dois tenir propre, débarrasser de la mousse et du lierre, y marque le départ entre la bastide Audibert et celle des Saturan. Après la puanteur des nuits d’hiver dans la chambre, il me semble qu’on a rouvert ici le ciel.» (Mirabel)

Réfugiés fuyant le régime franquiste en 1939.

Épris d’égalité, Miguel Samper, artisan aux multiples talents, s’est engagé au côté des Républicains pendant la guerre d’Espagne en 1936, avant de déserter, balloté dans le flux de l’Histoire et des réfugiés, mais refusant toujours de se laisser parquer comme un animal.

«L’égalité est à la fois le passé et l’avenir de notre histoire. Il finira le temps des caciques, de ceux qui possèdent davantage que leur regard ne peut embrasser, même s’ils montent sur le toit. Il finira le temps de ceux qui font le tour en auto de terres dont ils ne sauront rien, sinon le rendement à l’hectare.» (Le grelot)

Dans le dernier récit, contemporain  (Un onagre), le feu d’artifice que Denis et ses amis allument pour illuminer la nuit des détenus de la prison des Baumettes est emblématique de la beauté des gestes de ces quatre saltimbanques, puissants ou misérables, qui marchent à l’envers du monde contre les «forces de l’ordre».

Ce qu’en dit Emmanuelle Caminade sur L’or des livres est ici. Il faut signaler aussi le bel entretien de l’auteur avec Johan Faerber sur Diacritik ici.

 

À propos de Marianne

Une lectrice, une libraire, entre autres.

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