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Notes de lecture 2016, Nouveautés

Note de lecture : « Le livre de l’homme » (Barry Graham)

Souvenirs hyperréalistes du Glasgow des années 1980 sur les traces d’un ami écrivain disparu. Un choc nécessaire, brutal et lumineux.

 

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Après la mort de son ami Mike Illingworth, écrivain toxicomane décédé du sida et dans la misère, son ami Kevin Previn retourne à trente-cinq ans dans sa ville natale, Glasgow, en vue de réaliser un documentaire sur cet écrivain de la désolation du Glasgow des années 1980, auteur de deux romans «Ainsi parlait Andy Schuster» et «Le livre de l’homme».

«J’avais trois ou quatre ans quand j’ai découvert que j’allais mourir. J’avais coutume de regarder les têtes sur des pièces de pennies et de demander à mon père si ces gens étaient toujours vivants. S’il répondait qu’ils étaient morts, je demandais de quoi ils étaient morts et il disait de vieillesse. Quand j’ai fini par lui demander ce que vieillesse signifiait, il m’a expliqué que tout le monde finit par mourir. J’étais horrifié. «Est-ce que je vais mourir ?» lui ai-je demandé. Il a répondu oui, mais dans très longtemps. J’ai piqué une crise, dit que je ne voulais pas mourir. Puis j’ai oublié toute cette affaire. Jusqu’à mes dix-huit ans, j’ai cru qu’une exception serait faite pour moi.» Extrait du Livre de l’homme, de Michael Illingworth

Nick Hedges 1970

® Nick Hedges. Glasgow, 1970.

Poète et artiste-performeur, Kevin a quitté Glasgow dix ans auparavant pour Londres avec son fils David, laissant derrière lui une ville grevée par la crise économique, ravagée par la misère, la violence et la drogue, à l’image du désespoir de tout le Nord de la Grande-Bretagne pendant les années Thatcher, magistralement dépeint par David Peace dans «GB 84».

En arpentant après dix ans d’absence les quartiers de Glasgow, pour certains en voie de gentrification et pour d’autres toujours dans le même état de délabrement total, en interviewant ceux qu’ils ont côtoyés avec Mike dans ces années-là, amis ou dealers, il replonge peu à peu dans un passé de marasme et de violence brutale, et dans les souvenirs d’une amitié profonde et salvatrice qui trouve ses racines dans l’écriture.

Les véritables raisons du retour de Kevin à Glasgow se dévoilent peu à peu dans l’exploration des quartiers de la ville, tournant autour des manquements de cette amitié pour s’avancer finalement vers les traces indélébiles d’une enfance douloureuse.

Alcoolisme, drogue, sexe, solitude, violence du chômage et de l’univers salarial, l’univers brutal et noir du «Livre de l’homme» est aussi lumineux, empreint de la vitalité exceptionnelle et de la drôlerie de Michael Illingworth, des joies de la paternité, même non désirée, et d’un humour souvent féroce. Quatrième roman de l’écrivain écossais et journaliste Barry Graham, paru en 1995, et remarquablement traduit par Clélia Laventure en mars 2016 pour les éditions Tusitala, «Le livre de l’homme» est une lecture d’une grande intensité, un récit hilarant et désespéré.

On peut lire les belles chroniques de Ted sur Un dernier livre avant la fin du monde ici, et celle de Truquette sur Addict Culture ici.

Pour acheter ce roman chez Charybde, c’est par là.

Barry Graham

À propos de Marianne

Une lectrice, une libraire, entre autres.

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