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Notes de lecture 2015, Nouveautés

Note de lecture : « Les Clameurs de la Ronde » (Arthur Yasmine)

Les fragments puissamment réagencés d’années intenses de relation poétique.

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Les Clameurs de la Ronde

Publié en avril 2015 aux éditions Carnet d’Art, ce recueil de poésie d’Arthur Yasmine est son premier ouvrage publié.

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Émerveillé devant Zoé, je fixais le mouvement. Je tentais de retenir quelque chose avec mes yeux, mais elle fustigeait mes regards un à un. Tout se confondait brutalement. Face à moi, c’était un foisonnement de figures qui tournoyait, c’était une opacité frappée d’éclats multicolores. Son être semblait se déployer en des formes qui vrillaient çà et là avec la beauté d’un chaos supérieur. Elle devenait telle une ombre insaisissable d’arabesques qui s’ouvre et se ferme à l’infini. Je tendais la main pour saisir l’une d’elles et déjà, la volute de peau que je venais de déparer se dérobait violemment.
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Il y avait en elle l’instinct d’une danseuse animale. Des battements de pieds fugitifs, des cris jetés en l’air, la pulsation des muscles et puis ce flottement circulaire dans les yeux. Elle me regardait et son corps savait déjà tout. Alors elle dansait toute sorte de girations pour qu’il oublie. Et elle continuait à tourner pour montrer qu’elle ne savait rien.
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– Dieu aimait à se cacher dans ses spirales animales.
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Projet singulier s’il en est que ce recueil constitué à partir de bribes et de fragments arrachés à des écrits démarrés dès l’adolescence, et dont le sort, peut-être, fut d’être ensuite détruits, brûlés, déchiquetés, entre la rage et l’insatisfaction, ou bien face à l’obscurcissement du matériau aimé. Ces morceaux de réel transfiguré dessinent pourtant les contours, délavés mais étrangement incandescents, d’une histoire d’amour, d’une histoire d’obsession, d’une histoire de volonté d’atteindre le ciel du poète, envers et contre tout : Arthur Yasmine s’extrait avec brio des pièges de cet exercice, projetant vers le lecteur une prose poétique à géométrie variable, parfois proche de l’incandescence, explorant avec fougue toutes les formes possibles du monologue et du dialogue passant par l’écrit.

Alors comme toi je les bouffe mes vertiges ! Et comme toi je me complais dans ma connerie nihiliste. Mais au moins, je garde la main tendue. Et si je creuse un peu plus ma tombe à chaque délire, au moins, ce que j’ai dans la paume, je le donne, je le jette pas à la gueule, je le détruis pas. J’offre le peu de terre putréfiée que j’arrive à transformer en or. C’est ce qu’il faut faire en Poésie. C’est ce qu’il fallait réaliser ensemble : foutre le feu à la nuit du monde et se parer de la brume d’or après l’incendie du poison. C’est ce qu’il fallait faire : nous comme les fils du Soleil, nous en prière devant le Feu sacré.

Arthur Yasmine nous offre ici beaucoup de cette fulgurance quasiment magique sans laquelle il n’est guère de véritable poésie. Il est dommage, même si ce n’est pas très grave in fine, que son cri de douleur et de rage transcendées par la puissance du verbe soit précédé d’une adresse aux éditeurs, en forme de plainte sur l’absence de reconnaissance de la poésie, plainte rageuse qui semble ici maladroitement convenue, ou qui feint d’ignorer certaines difficultés réelles en même temps que certains efforts indéniables.

Texte étrange, poignant et tissé de sorts, bienveillants ou maléfiques, cette ronde et ses clameurs, cette vie et cette rage, méritent toute votre attention.

Ce qu’en dit Jean-Paul Gavard-Perret, sur Le Littéraire, est ici.

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Arthur Yasmine

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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