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Notes de lecture 2014

Note de lecture : « RAF – Guérilla urbaine en Europe Occidentale » (Anne Steiner & Loïc Debray)

Une analyse très détaillée de la Fraction Armée Rouge allemande.

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RAF Guérilla urbaine en Europe Occidentale

Publié en 2006 chez l’Échappée, cet essai est la version revue et corrigée de la première édition chez Méridiens Klincksieck, datant de 1987, elle-même en grande partie issue de la thèse d’Anne Steiner, soutenue en 1985, sur la violence révolutionnaire en Allemagne de l’Ouest, auquel le mathématicien et philosophe Loïc Debray, intéressé par les rapports entre éthique et violence révolutionnaire, était venu prêter main forte.

C’est la récente lecture de l’excellent « Si les bouches se ferment » d’Alban Lefranc qui m’a poussé à exhumer de l’étagère où il somnolait depuis quelques années, intact, ce travail académique très sérieux, permettant certainement de mieux comprendre et situer l’action de la Fraction Armée Rouge allemande dans son époque et dans l’histoire, en recréant un peu de distance vis-à-vis de l’hallali généralisé et confus des années de leur activité.

Au-delà d’un rappel minutieux des faits, issu de l’ensemble des archives disponibles (mais celles des différentes polices et justices concernées sont encore loin de la déclassification), les deux auteurs dessinent plusieurs directions particulièrement intéressantes pour un questionnement de ce phénomène qui en occulta tant d’autres durant ces « années de plomb ». Y a-t-il un socle d’où vient la RAF ? Quel est son mode de relation, de filiation ou d’exclusion au mouvement étudiant allemand ? En quoi les spécificités sociales, politiques et économiques de l’Allemagne de ces années-là expliquent-elles l’émergence d’une pratique aussi spécifique que celle de la RAF ? Quel est le lien entre théorie et pratique pour la RAF ? Dans quel horizon éthique voulait s’inscrire leur lutte ? Quelles étaient leurs influences et leurs références ? Quels échos rencontrèrent leurs positions ?

À l’opposé de plusieurs études consacrées auparavant à ce mouvement, qui suivaient largement le prédicat médiatique d’une « bande » sans contenu théorique, Anne Steiner et Loïc Debray se sont également attachés à rendre compte de l’ensemble des textes produits par la RAF, en y traquant les fondamentaux comme les messages de circonstance, liés à telle ou telle évolution de la situation politique, militaire et communicationnelle du groupe. Le matériau journalistique et théorique a été complété par une analyse détaillée du dossier d’accusation du procès de Stammheim contre Jan Carl Raspe, Andreas Baader, Ulrike Meinhof et Gudrun Ensslin, ainsi que par bon nombre d’entretiens avec d’anciens membres du groupe (les « repentis » ayant au passage en Allemagne de l’Ouest un statut fort différent et nettement moins « avantageux » que celui de leurs « homologues » italiens, par exemple), avec des personnes ayant côtoyé de près les premiers militants de la RAF, avec des avocats les ayant suivis à tel ou tel moment, et avec des sympathisants de divers types.

Un travail minutieux et passionnant, très analytique, qui permet certainement de mieux comprendre une période très spécifique et simultanément emblématiquement universelle, tout en dissipant une bonne part du brouillard allègrement répandu autour d’un mouvement à la fois unique et incarnant un stade de la violence révolutionnaire ayant eu peu d’équivalents en Europe.

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Anne Steiner

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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