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Notes de lecture 2013

Note de lecture : « Playlist » (Christophe Ernault)

Quatorze nouvelles de joie thérapeutique du verbe et de la formule qui tue… de rire désenchanté.

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playlist

Publié en 2005 chez Antidata, réédité en ce mois de mai 2013, le recueil de nouvelles de Christophe Ernault (que beaucoup connaissent sans doute davantage sous son nom de musicien, Alister) devrait largement réjouir les amateurs d’incisives et joueuses formes courtes, que l’audacieux éditeur rassemble de plus en plus nombreuses et nombreux.

Quatorze nouvelles – comme autant de titres sur les mythiques « Help », « Rubber Soul » ou « Revolver » des Beatles, et ce n’est bien entendu pas par hasard, comme vous le découvrirez… – de pur plaisir des mots et des formules, redoutablement agencées, pour dire le désenchantement – ou plus exactement l’incapacité d’une société, la nôtre, à produire de l’enchantement qui ne soit pas réservé à l’usage des happy few bardés de comptes épargne et autres joyeusetés offshore. Quitte à utiliser la consommation à outrance d’objets et de choses comme placebo désespérant.

Dans un registre associant étroitement décortiquages lucides d’un quotidien et explosions de verve aux accents de vrai « nonsense », qui rappelle en effet aussi bien l’inventivité d’un Julien Campredon que les frappes chirurgicales d’un Jean-Marc Agrati, mais aussi les ruses obsessionnelles d’un Nick Hornby, Christophe Ernault nous offre donc un beau moment de joie du verbe, drôlement thérapeutique.

« Avait-elle conscience, cette conne, qu’en écoutant extatiquement ces compils lounge, donc, ou qu’en participant à ces soirées nu-house, elle œuvrait pour le démantèlement d’une certaine idée de la démocratie ? »

Rubber_Soul

« Des adultes attentifs et surdiplômés tentaient de décrypter les envies des adolescents d’aujourd’hui, mais sans succès (ils se braquaient, à tort, sur l’influence supposée néfaste des jeux vidéo, qui n’étaient finalement que des Rubik’s Cube électrostimulés). Jamais le regard, la main de la société ne s’étaient posés avec autant d’attention et de compréhension sur eux. Mais jamais, aussi, ces derniers n’avaient été autant bercés d’illusions sur l’immuabilité de leur état. La donnée Temps manquait à leur équation mentale pour comprendre qu’ils ne faisaient pas partie d’un monde figé mais bel et bien en mouvement. Un jour ils seraient vieux et dignes à leur tour. Pour l’instant, ils n’étaient rien de plus que de la chair à business plan. Ce qui n’était déjà pas si mal… »

L’entretien avec Christophe Ernault à propos de sa revue Schnock, dans Ragemag, est ici, et la photo ci-dessous, prise à cette occasion, est de Jeanne Frank.

Pour lire ce qu’en dit joliment ma collègue et amie Charybde 1, ou pour acheter le livre chez Charybde, c’est ici.

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Christophe Ernault / RAGEMAG

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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