Huit nouvelles, toujours étonnantes, à savourer en souriant et davantage.
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Le tout nouveau recueil de nouvelles aux éditions Antidata, qui paraît en ce mois de septembre 2012, a été confié à Stéphane Monnot, dont j’avais déjà bien apprécié la « Tegucigalpa (une obsession américaine) » dans l’anthologie « Temps additionnel » (autour du football) chez le même éditeur au printemps dernier.
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Ici, Stéphane Monnot nous entraîne avec aisance un cran plus loin, dans une ambiance étonnante, parfois légèrement (ou même plus) hallucinée, nourrie aussi aux endorphines sportives. La nouvelle-titre, « Noche triste », conduit ainsi à revivre avec fièvre un soir de juin 1982 à Séville, incluant le terrible choc entre Schumacher et Battiston et l’homérique séance de penalties, en un vibrant hommage gonzo à Hunter S. Thompson (ici curieusement orthographié Thomson, sans doute sous l’effet des champignons mexicains abondamment prodigués au cours du jeu). « Petit périple au Mexique » décrit un savoureux hijacking de camion-citerne, motivé par la disparition inique de l’essence au plomb, et dédiée avec fougue au Georges Arnaud du « Salaire de la peur ». « Méandres » construit avec machiavélisme une sombre, trop sombre, machination amoureuse, entre utilisation habile de la beaufferie machiste et celle des clubs de gym… « L’âme du fond » propose un traitement incisif et original des personnalités multiples.
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Mes préférées : « Patchwork facial », à faire froid dans le dos, qui, sous couvert du tragique enlèvement d’un industriel, devrait vous conduire à ne plus jamais considérer le textile et la mode tout à fait du même œil, « Un ange passe », qui installe avec une ferveur déjantée le curieux héroïsme des rêveries d’un jogger solitaire, et enfin, « Pauline Loves Polly Jean » qui, à la fois, fait comme un bel écho à « Un ange passe », et peut se lire comme l’un des plus beaux textes que je connaisse sur l’usine, sur les occasions manquées peut-être rattrapables et sur le rock (un magnifique saisissement que Nick Hornby, que j’apprécie beaucoup, mettrait sans doute 200 pages à mettre en scène, là où Stéphane Monnot obtient son effet en 15 feuilles denses).
Un magnifique recueil, donc, dont on aurait grand tort de se priver plus longtemps.
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« Quelques semaines étaient passées depuis que j’avais croisé le petit vieux et l’aveugle. Je courais toujours une à deux fois par semaine sur le même parcours. Mon moral était bon. Je ne me prenais plus, ni pour Prométhée, ni pour Ulysse. Mes courses n’étaient plus troublées que par quelques connards de cerbères hurlant derrière des grillages sous le regard attendri bien qu’anxieux de leurs maîtres paranoïaques. Tout était normal. Mes semaines se partageaient entre ma femme, mes deux filles, mon boulot et ma passion compulsive pour les faits divers. » (in « Un ange passe »).
« Un mois de repos. Ça a grincé au bureau. Mes collègues ont tenté eux aussi de me raisonner, me faisant comprendre qu’il était normal qu’une vieille dame de quatre-vingt-sept ans finisse par mourir, qu’il fallait que je me ressaisisse et que ce n’était vraiment pas le moment. Chacun leur tour… au téléphone. C’est fou comme l’esprit d’entreprise peut rendre les gens égoïstes. Égoïstes et serviles, petits engrenages pensants du gros moteur, contrôlant sans cesse l’état de lubrification des rouages voisins. Le faible est le cancer de l’entreprise, il faut l’éradiquer. Première étape : relève-toi vite parce que moi je suis bien obligé de suivre tes dossiers, seconde : dégage ! Mes chers compagnons de labeur voyaient dans le décès de ma mère l’unique source de ma défaillance. Il n’était qu’un catalyseur voire la ligne d’arrivée d’un long processus. Je ne supportais plus cette vie laborieuse et inutile. » (in « Petit périple au Mexique »).
Ce qu’en dit joliment ma collègue et amie Charybde 7 est là.
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