Émeute, révolte, révolution. Un premier roman cherche au plus près du terrain le sens de ces mots.
Premier roman de l’auteur, publié en août 2013 chez Actes Sud, L’esprit de l’ivresse explore, au plus près du terrain, et de la vie réelle de ses protagonistes « non politisés », le sens que peuvent avoir aujourd’hui en France des mots tels qu’émeute, révolte, ou – bien que jamais cité – révolution.
Si l’exercice comporte quelques menues maladresses (la partie nettement surjouée autour de « l’enfance d’un chef », en l’espèce le président de la République mis inopportunément en fuite par l’émeute-phare du roman, née d’une enième bavure stupide, tout particulièrement), il reste un texte profondément intéressant dans sa capacité à saisir et à reproduire les interrogations, les déclics, les vides et interstices existants entre l’ordre établi, les innombrables insatisfactions, frustrations et fureurs rentrées, qui ne disent pas toujours leur nom, et la manière dont des politiciens professionnels ou amateurs peuvent s’efforcer de capter ces énergies latentes… pour le meilleur et pour le pire. Un thème ancien comme la politique révolutionnaire donc, mais qui trouve ici, catalysé par la crise des banlieues de 2005 (ces « banlieues » qui sont peut-être le véritable héros du roman), une nouvelle actualité, tout en restant à distance des prophéties noires d’un Thierry Jonquet (Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte, 2006) et des magnifiques cynismes d’un Alexis Jenni (L’art français de la guerre, 2011).
Appelant à un salutaire exercice de pensée malgré quelques longueurs, un livre captivant.
Mais qui était-il alors ? Ceux qui le connaissaient apparemment ne disent rien, les yeux baissés, et nul passant n’ose les interroger. Et puis le corps a été emporté bien vite malheureusement, et il ne reste plus grand-chose à voir, hormis cette petite mare de liquide visqueux d’où partent de larges traînées, plus claires, et des empreintes de grosses chaussures. De temps à autre, quelqu’un remarque à voix haute que personne n’a pris le soin de verser du sable sur la flaque pour absorber et faire disparaître complètement le sang, ou osé nettoyer à grands seaux d’eau, mais ne s’en étonne pas ; on se dit que le bitume poreux et la chaleur, le temps qui passe, et toutes ces choses qui semblaient inutiles jusqu’à présent, s’en chargeront bien.
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