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Notes de lecture 2015, Nouveautés

Note de lecture : « État de siège pour Mary Lester » – Mary Lester 42-43 (Jean Failler)

Hélas, après l’embellie du tome 40-41, l’auteur retombe dans ses travers les plus agaçants.

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Etat de siège

La saga Mary Lester de Jean Failler, active depuis maintenant 23 ans et la première enquête « Les bruines de Lanester » (1992), continue, avec désormais bien des hauts et des bas. Ce nouvel opus, « État de siège pour Mary Lester », publié en 2015, porte les numéros 42 et 43 (les enquêtes paraissant d’emblée en deux tomes se sont multipliées au sein de la série depuis 2003), et fait suite à « La croix des veuves », qui marquait un intéressant sursaut dans la spirale de déclin gentiment amorcée après disons, « Le renard des grèves » (2003), les déboires judiciaires de l’auteur à cette époque, après les plaintes de personnes s’étant reconnues dans le roman, ayant pu alors engendrer une certaine fatigue.

Cette enquête-ci ne confirme hélas pas le joli sursaut précédent.

L’intrigue policière n’est pas en cause : même si elle ne brille peut-être pas, cette fois, par son originalité, elle permet néanmoins de retrouver avec un malin plaisir l’un des plus horribles ennemis affrontés par le passé par la capitaine de police quimpéroise, elle donne l’occasion de retourner à La Baule (déjà visitée avec le tome 7, « L’homme aux doigts bleus »), tout près de la Brière (les marais du tome 25, « La variée était en noir »), et elle offre une démonstration très sympathique de filatures bricolées avec les moyens du bord par Lester et Fortin.

De taille légèrement supérieure à la moyenne, madame Élizabeth Fischer pouvait se permettre de regarder Mary Lester de haut. Mais on sentait que, même si elle avait mesuré un mètre cinquante, elle aurait réussi la performance de toiser un géant avec cette même suffisance.
Un visage pâle aux pommettes rehaussées d’une touche de rose, une grande bouche aux lèvres carminées, et des yeux d’un bleu de glace qui contemplaient Mary sans ciller.
« Un regard à monter la garde sur un mirador dans un camp de concentration » aurait dit Fortin.
Pour le reste, Élizabeth Fischer n’était pas équipée pour occuper la fonction car elle portait une veste de cuir grège sur un chandail jaune paille et un pantalon bleu pâle.

batz-sur-mer

Batz-sur-Mer

Là où le bât blesse vraiment, et finit par faire mal, c’est sur deux terrains pourtant bien différents. D’une part, pour « placer » quelques dialogues censément drôles entre les deux coéquipiers et quelques faux bons mots ou calembours, Fortin, le sportif et dur à cuire lieutenant de Mary Lester, apparaît de plus en plus inculte, finissant par ignorer même certains mots de tous les jours pour permettre la blague. Même si l’humour est bienvenu, évidemment, et a bien fonctionné dans de nombreux épisodes passés, il faut vraiment que l’imagination (ou la rigueur au travail) de l’auteur soit fatiguée dans ce domaine pour en arriver à ces contorsions maladroites, peu authentiques, et peu cohérentes avec l’historique du personnage. D’autre part, et c’est le pire, le côté « conservateur bougon » du narrateur, plus ou moins apparent selon les tomes, mais toujours désagréable lorsqu’il dépasse une certaine cote d’alerte, contamine ici assez massivement les personnages eux-mêmes, qui se mettent, pour un oui ou pour un non, à se lancer dans de laborieux dialogues digressifs et répétitifs concernant, en vrac, le laxisme de la justice, l’arrivisme forcené des élites de toute nature, le manque d’humour de Christiane Taubira lorsqu’elle est comparée à un singe, ou encore le caractère fatalement destructeur de tout progrès, quel qu’il soit. Supportable, de justesse, lorsqu’elle est confinée à quelques errances du narrateur, cette bouffée réactionnaire par moments bien moisie devient franchement pénible lorsqu’elle s’étend à des personnages qui jusqu’ici, le plus souvent, se contentaient d’incarner quelques partis pris politiques de leur fonction et de leur biographie, sans excès outrecuidant.

Ces errements sont particulièrement agaçants lorsque l’on considère – ce qui est globalement mon cas – que l’héroïne de Jean Failler représente un exemple intéressant de cette littérature dite « populaire » (sans aucun caractère péjoratif), qui ne vise certainement pas la prouesse narrative, qui ne prétend pas captiver par ce biais, mais qui, sans visée socio-politique profonde non plus, offre des intrigues correctement ficelées et une écriture décente (même si on peut la juger un peu plate), parcourant le cadre de la Bretagne (« au sens large ») sous toutes ses coutures, avec une véritable empathie pour les personnes et pour les lieux, sans jamais céder ni aux sirènes du folklore pour touristes ni à celles d’une identité bretonnante racornie. Espérons donc que l’auteur se reprenne rapidement et s’arrache à la tentation de laisser ses protagonistes se muer définitivement en réactionnaires obsessionnels et aigris.

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Failler

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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