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Notes de lecture 2013

Note de lecture : « Le droit à la paresse » (Paul Lafargue)

Éloge de la valeur paresse.

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L’homme politique, journaliste et écrivain Paul Lafargue (1842-1911) rédigea cet essai qui le rendit célèbre, tandis qu’il était incarcéré à Paris pour propagande révolutionnaire, en réponse aux paroles de Thiers qui appelait l’homme à souffrir au travail et à ne pas jouir de la vie, et en réfutation du droit au travail de 1848 (sous-titre de l’essai).

«Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu et de sa progéniture.»

Initialement publié en feuilleton en 1881, puis en 1883 en un volume, réédité aux éditions Mille et une nuits en 1994, chez Allia en 1999 et au Passager clandestin en 2009, ce texte classique reste passionnant et plus que jamais d’actualité. Paul Lafargue s’y étonne et s’insurge contre la sacralisation de la valeur travail en particulier dans une classe ouvrière alors soumise à des conditions de travail quasiment inhumaines.

paul_lafargue_le_droit_a_la_paresse_maitrierÉloge de la paresse en tant que mère des arts et des nobles vertus, ainsi que Joseph Kessel l’évoquera dans un court texte de 1929, «Le droit à la paresse» est surtout une dénonciation de la sacralisation de la valeur travail et de la consommation, dans une époque où démarre la destruction de la quantité de travail productif disponible par la mécanisation, où s’amorcent une mondialisation qui s’annonce destructrice et les ravages de l’obsolescence programmée.

«Les capitaux abondent comme les marchandises. Les financiers ne savent plus ou les placer ; ils vont alors chez les nations heureuses qui lézardent au soleil en fumant des cigarettes, poser des chemins de fer, ériger des fabriques et importer la malédiction du travail.»

«À Lyon, au lieu de laisser à la fibre soyeuse sa simplicité et sa souplesse naturelle, on la surcharge de sels minéraux qui, en lui ajoutant du poids, la rendent friable et de peu d’usage. Tous nos produits sont adultérés pour en faciliter l’écoulement et en abréger l’existence. Notre époque sera appelée l’âge de la falsification, comme les premières époques de l’humanité ont reçu les noms d’âge de pierre, d’âge de bronze, du caractère de leur production. »

Paul Lafargue met ici en avant ce qui reste aujourd’hui voire devient encore plus d’évidentes nécessités : réduire le temps de travail pour le répartir entre tous, consommer sur place les marchandises produites, freiner la folie et la fascination pour la consommation.

Malgré certains aspects dérangeants – l’antisémitisme latent de la société française qui transpire, ou encore cette référence aux philosophes antiques, qui avaient sans doute plus de facilités à vanter la paresse grâce aux esclaves qui travaillaient pour eux – ce texte reste essentiel, à lire et à relire à l’ombre ou au soleil.

«Au début de la production capitaliste, il y a un ou deux siècles de cela, le bourgeois était un homme rangé, de mœurs raisonnables et paisibles ; il se contentait de sa femme ou à peu près ; il ne buvait qu’à sa soif et ne mangeait qu’à sa faim. Il laissait aux courtisans et aux courtisanes les nobles vertus de vie débauchée. Aujourd’hui il n’est fils de parvenu qui ne se croie tenu de développer la prostitution et de mercuriéliser son corps pour donner un but au labeur que s’imposent les ouvriers des mines de mercure ; il n’est bourgeois qui ne s’empiffre de chapons truffes et de Laffitte navigue, pour encourager les éleveurs de La Flèche et les vignerons du Bordelais.»

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À propos de Marianne

Une lectrice, une libraire, entre autres.

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