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Notes de lecture 2015, Nouveautés

Note de lecture : « Le sourire d’Angelica » – Montalbano 21 (Andrea Camilleri)

Montalbano à nouveau entre jalousies et tentations, au milieu de cambriolages de haute volée.

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Le sourire d'Angelica

Publié en 2010, traduit en français en 2015, toujours par l’excellent Serge Quadruppani, au Fleuve Noir, le vingt-et-unième épisode des enquêtes du commissaire sicilien Salvo Montalbano d’Andrea Camilleri, comme le précédent, « La chasse au trésor », semble poursuivre dans une veine se développant depuis quelque temps, celle de véritables « défis » adressés par des criminels relativement atypiques à un héros peut-être doucement vieillissant (en tout cas, indéniablement, dans la perception qu’il a de lui-même), mais devenu peu à peu une véritable célébrité en matière de résolution d’affaires complexes, bien au-delà de Porto Empedocle.

Mimi Augello, le second, et Ingrid, l’amie et confidente, étant tous deux absents ou presque de cet épisode, c’est à nouveau le fidèle et habile Fazio, et l’inénarrable Catarella, qui tiennent la vedette du côté du commissariat, tandis que la sphère privée est d’abord soumise à Livia, l’éternelle fiancée, cette fois omniprésente après une visite surprise.

La veille au soir, Livia, et c’était là le motif particulier, s’était, par jalousie, énormément engatsée contre lui, gâchant ainsi le plaisir que lui avait procuré sa venue.
Ça s’était passé comme ça.
Le téléphone avait sonné et elle était allée arépondre.
Mais à peine avait-elle prononcé « allô » qu’une voix féminine avait dit à l’autre bout de la ligne :
– Excusez-moi, je me suis trompée.
Et la communication avait été ‘mmédiatement coupée.
Et alors Livia s’était aussitôt fourré dans le crâne que c’était ‘ne femme qui le fréquentait, lui, que ce soir-là elle avait rendez-vous et qu’elle avait reposé le combiné en entendant qu’elle, Livia, était à la maison.
« Je vous ai pris les doigts dans la confiture, hein ? »
« Quand le chat n’est pas là, les souris dansent ! »
« Loin des yeux, loin du cœur ! »
Il n’y avait pas eu moyen de la faire changer d’idée, la soirée avait tourné à l’engueulade passque Montalbano avait mal réagi, écœuré par le déluge inépuisable d’expressions toutes faites que Livia débitait, plus encore que par ses soupçons.
Et maintenant, Montalbano espérait que Livia dirait une quelconque connerie qui lui donnerait la possibilité de se prendre sa revanche dans les grandes largeurs.
Il fut pris d’une violente envie de se fumer une cigarette, mais il se retint. D’abord, passque si Livia rouvrait l’œil et le surprenait à fumer dans la chambre à coucher, ça ferait un ramdam de tous les diables. Ensuite passqu’il craignait que l’odeur la réveille.
Deux heures plus tard, il lui vint tout à coup une violente crampe au mollet gauche.
Pour la faire disparaître, il acommença par balancer la jambe d’avant en arrière et ce fut ainsi que, pied nu, il donna par inadvertance un grand coup au rebord extérieur de lit de bois.
Malgré la forte douleur, il aréussit à garder pour lui l’avalanche de jurons qui allait lui échapper.
Mais le coup contre le lit produisit son effet, car Livia soupira, bougea un peu et parla.
Distinctement, la voix nullement empâtée, elle dit juste après une espèce de gloussement :
– Non, Carlo, par derrière, non.
Pour un peu, Montalbano tombait de sa chaise. On t’en demandait pas tant, santantó, saint Antoine !
Montalbano se serait bien contenté de quelques paroles confuses, le minimum indispensable pour bâtir un jésuitique échafaudage d’accusations basées sur rien.
Mais Livia avait dit une phrase très claire, putain !
Comme si elle était parfaitement réveillée.
C’était ‘ne phrase qui pouvait faire penser à tout, y compris au pire.
Pour commencer, elle ne lui avait jamais parlé d’un type appelé Carlo. Pourquoi ?
Et puis, c’était quoi, ce truc qu’elle ne voulait pas que Carlo lui fasse par derrière ?
Et par conséquent : par derrière, non, mais par devant, oui ?
Il commença à avoir des sueurs froides.

Il sorriso di Angelica

D’une série de cambriolages de haute volée surgit l’une des victimes, l’envoûtante Angelica, au sourire d’ange qui lui vaut le titre du roman, dont le héros au cœur d’artichaut bien connu ne peut que s’éprendre, d’une manière ou d’une autre, comme toujours à son corps et à son cœur défendants, ou presque. Si l’on retrouve dans cet épisode certains des ressorts qui faisaient déjà le charme et l’ambiguïté de « L’âge du doute » (Montalbano n°18), Andrea Camilleri a su ajouter ici quelques « twists » rendant l’intrigue un peu moins prévisible que dans les trois volumes précédents – ce qui est une forme de « bonus », l’intérêt de la série résidant en effet beaucoup moins dans la « résolution » effective des énigmes policières que dans la personnalité du commissaire et des autres principaux protagonistes, ainsi que dans la confrontation permanente de la douceur et de l’art de vivre siciliens, toujours autant portés à bouts de bras et de papilles par ce bon vivant amateur de rougets grillés, de bon vin et de whisky à savourer à la fraîche, avec la rudesse du crime organisé désormais largement mondialisé, des passions privées basculant régulièrement dans le drame et des toujours possibles arrangements entre « amis » – comme le rappelle, à grande échelle et sur un ton tout aussi désabusé mais infiniment moins souriant, l’excellent Roberto Scarpinato dans son « Retour du Prince ».

Il glissa dans sa poche la liste des trois patrons de casse automobile, appela Gallo et partit pour Montelusa dans une voiture de service.
Il mit une bonne heure à convaincre le proc’ Tommaseo de mettre sur écoutes les trois téléphones.
Dès qu’on parlait d’écoutes, le proc’ courait aux abris.
Et s’il arrivait qu’un braqueur, un casseur ou un maquereau soit ai très proche d’un député ? Ça finirait sûrement très mal pour le magistrat.
C’est pour cela que le gouvernement venait de faire ‘ne loi interdisant les écoutes mais, par chance, elle n’était pas encore votée.
Il s’en retourna satisfait au commissariat.

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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