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Notes de lecture 2014

Note de lecture : « Rêve d’épingles » (Pascal Gibourg / Anne-Laure Sacriste)

Les mystérieuses lettres du rêve et du fantasme de l’amour qui meurt.

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Publié en 2009 aux éditions du Chemin de Fer, ce court texte (60 pages) du poète et critique pointu et exigeant Pascal Gibourg, richement illustré en contrepoint et complément par Anne-Laure Sacriste, illustre fort joliment le travail mené chez cet éditeur pour associer texte et graphisme en provoquant ainsi l’émergence d’objets aux significations renouvelées.

Recueil de lettres adressées à l’amante par un jeune homme mystérieusement exilé à la campagne, il nous raconte dans les interstices l’histoire, sans doute, d’un amour qui s’efface, sous le poids des jours, de la distance, de l’incertitude et peut-être de certains non-dits, ou au contraire de rêves exprimés en métaphores qui n’en sont plus – que le dessin vient combler, mêlant étroitement fantasme, projection et crainte plus ou moins avouée.

Un travail plus qu’intéressant, au trouble charme du mystère dissimulé dans le quotidien.

 » Un dessin vaut toujours mieux qu’un long discours. Tu sembles avoir médité cette vérité. J’ai reçu ta tête de mort comme une gifle ou mieux un coup de couteau. Douceur de la lame qui pénètre la chair, grâce à des lambeaux qu’elle découpe. Nous sommes dans une ruelle sombre, seules étincellent nos lames. Elles se font la cour. On dirait qu’elles n’osent pas se toucher. Quelle sensualité dans leurs caresses, elles savent l’art d’effleurer. Tiens, un filet de sang recouvre partiellement mon épaule. Un diadème ceint ton front. Comme tu es brune, ton sang est chaud, ton sang d’infante, de manola espagnole qui traîne les rues et aguiche les hommes. Il s’écoule lentement, formant de grosses gouttes ténébreuses. Il est à ce point épais qu’il semble hésiter à devenir solide. Par terre se forme une flaque dans laquelle la lune jette sa lumière de misère. J’entonne un chant de mort. D’où te viennent ces images de squelette, chercherais-tu à m’enterrer ? Les orbites creuses de la tête qui me fixe sont deux puits au fond desquels reposent des litres d’encre, des tonnes de mazout poisseux. Tu joues avec les os de mes tibias. Avec ton arme tu y creuses des petits trous réguliers que tu bouches avec tes doigts. La douce musique que tes lèvres pulpeuses susurrent. »

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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