Quarante-huit heures avant sa mort paisible, les souvenirs d’un horloger défilent en une savante orchestration.
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Refusé par tous les grands éditeurs new-yorkais, ce premier roman atypique publié en 2010 a obtenu cette année-là le prix Pulitzer, et a été traduit en français en 2011 au Lot 49 du Cherche-Midi par Pierre Demarty.
Construit sur un magnifique empilement de flashbacks, il nous raconte les dernières heures de George Washington Crosby, au milieu des siens dans sa maison de Nouvelle-Angleterre. George, qui fut entre autres horloger de haute précision, voit affluer, en une construction savante qui ne doit rien au hasard (et dont les nombreux extraits du « Petit horloger raisonné » – Révérend Kenner Davenport, 1783 – fournissent comme un subtil mode d’emploi), les souvenirs, et notamment ceux concernant son colporteur de père, dont les crises d’épilepsie, mais aussi le caractère puissant et lunatique, rythmèrent son enfance.
« À midi, il se retrouva seul quelques instants, tandis que la famille préparait le déjeuner dans la cuisine. Les fissures du plafond s’élargirent en crevasses. Les roues bloquées de son lit s’enfoncèrent dans les failles nouvelles apparues dans le plancher en chêne sous la moquette. D’un instant à l’autre, le sol céderait. Son estomac inutile ferait un bond dans sa poitrine, comme sur un grand 8 de la foire de Topsfield, et, dans une secousse à vous briser net l’échine, lui et son lit atterriraient au sous-sol, par-dessus les décombres broyés de son atelier. George imagina ce qu’il verrait, comme si la chute avait déjà eu lieu : le plafond du salon, haut de deux étages à présent, un puits déchiqueté de lattes de plancher cassées, de tuyaux de cuivre tordus et de fils électriques telles des veines tranchées jaillies des parois et pointées vers lui échoué au centre de ces ruines soudaines. Là-bas dans la cuisine résonnaient des voix, des murmures. »
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Une langue résolument étourdissante, une narration millimétrique : le genre de livre pour lequel l’expression de « classique instantané » peut enfin parfois avoir un sens.
Ce qu’en disait Claro sur son Clavier Cannibale en novembre 2010, c’est ici. Ce qu’on en disait dans Le Magazine Littéraire, c’est là.
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