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Notes de lecture 2011

Note de lecture : « Photo de groupe au bord du fleuve » (Emmanuel Dongala)

Des femmes cassant des cailloux au bord du Congo, héroïnes malgré elles d’un ironique conflit social potentiellement libérateur.

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Photo de groupe au bord du fleuve

Exilé aux États-Unis depuis le début des années 90 et les troubles graves de son (« petit ») Congo natal, Emmanuel Dongala, auréolé du succès de « Johnny chien méchant » en 2002 (adapté au cinéma sous le titre « Johnny Mad Dog » en 2008) publie ce nouveau roman en 2010, chez Actes Sud.

Au bord du fleuve, une carrière artisanale de gravier, où s’activent avec peine quelques dizaines de femmes pauvres ou déclassées, quand les travaux de l’aéroport créent une demande accrue et une envolée des prix. Les ouvrières demandent un meilleur prix pour leur pauvre gravier, et déclenchent ainsi un intense conflit social, où vont intervenir chef de la police, député, ministre et jusqu’à la femme du Président. Le tout vu à travers le regard de leur porte-parole, ancienne femme du député elle-même tombée dans la misère. Solidarité, gouaille, générosité, détermination, calculs politiciens, le tout centré autour de la vraie condition actuelle de la femme au « petit » Congo et ailleurs.

Un roman jouant extrêmement habilement d’allers-retours entre réalisme le plus cru et sens de la fable et de l’emportement pour offrir une vision forte et sensible de ce que le profit peut vouloir hélas dire.

« Tu enlèves le panier que tu portes sur la tête et le tiens par les anses. Cela te permet de balancer plus amplement tes bras et de marcher ainsi plus vite. Tu as hâte d’arriver au chantier avant que les premiers véhicules d’acheteurs ne se présentent pour leur annoncer la décision que vous avez toutes prise hier à l’unanimité. Tu as été choisie comme porte-parole et, même si tu n’as accepté cette fonction que contrainte et forcée, il ne faut pas décevoir celles qui ont placé leur confiance en toi. Cependant, tu n’arrives pas à écarter de ton esprit les inquiétudes de tantine Turia ; tu te rassures toi-même en te disant qu’elle se trompe, que votre décision n’a rien à voir avec la politique, et que vous vous battez tout simplement pour votre pain quotidien.
D’ailleurs, n’étaient-ce ces grands panneaux aux ronds-points qui affichaient le portrait du président de la République en veston-cravate, en tenue de sport en train de courir le marathon, en blouse d’infirmier en train d’administrer aux enfants des vaccins contre la polio, son épouse à ses côtés, avec une truelle à la main en train de poser la première pierre d’une école ou d’un hôpital, sur un tracteur en train de lancer la construction d’une route, sur un voilier en tenue de skipper, sans tous ces panneaux, tu n’aurais jamais su à quoi ressemblait sa bouille. Ta seule préoccupation était de savoir comment tu allais faire pour casser au plus vite la quantité de pierre nécessaire pour entrer en possession de cet argent dont tu avais un besoin si urgent. L’idée d’en revendiquer un nouveau prix n’avait pas été préméditée, elle s’était imposée toute seule, peu à peu, par effraction presque. »

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DONGALA Emmanuel

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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