Une fable d’une rare beauté, à partir de la métaphore du papillon de nuit et de la lumière qui le tue.
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Publiée en 2011 chez Philippe Rey, cette nouvelle fable, après « Les neuf consciences du Malfini » en 2009, de Patrick Chamoiseau, sobrement et habillement illustrée par Ianna Andreadis, utilise avec brio la métaphore du papillon de nuit « irrésistiblement » attiré par la lumière artificielle qui le tuera pour proposer aux petits comme aux grands une intense réflexion sur le sens de l’existence, le rôle qu’y jouent la connaissance, la curiosité, les choix, la patience, l’amitié, la sagesse…
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Le vieux papillon aux allures de sage-qui-se-refuse-à-guider-qui-que-ce-soit et le jeune papillon tout-fou-mais-différent composent ainsi deux personnages fort attachants, et qui n’ont pas fini de nous faire méditer, à chaque fois que la saveur de cette langue enchantée, propre au grand romancier qu’est Patrick Chamoiseau, finit de résonner en chacun.
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« Hélas ? Pourquoi dire « hélas » quand on a conservé toutes ses ailes ?
Pour une raison très simple, mon fi…
Il se tait, toujours soucieux, abîmé dans des chimères sans fond.
– Mais laquelle ? s’impatiente le fringant.
– J’aurai gardé mes ailes mais je n’aurai pas connu la lumière. (…)
Le jeune papillon demeure comme interdit durant une bonne grappe de moments. Enfin, n’y tenant plus, il finit par demander au vieil affligé : « Papa… pourquoi regretter la lumière quand on a su conserver des ailes aussi somptueuses ?
– Parce que, mon fi, il m’a fallu choisir entre mes ailes et la lumière.
Le jeune fringant réfléchit encore, en louchant sur l’ancêtre immobile, puis il gémit : « Mais, papa, pourquoi avez-vous dû choisir entre garder vos ailes et connaître la lumière ?
– Comment aurais-je pu avoir les deux ? Interroge l’Ancien
– …
– Ceux qui ont approché la lumière n’ont-ils pas les ailes abîmées ?
– Oui.
– Et ceux qui l’ont connue n’ont-ils pas été carbonisés ?
– Oui.
– Donc, jamais de demi-mesure. Il faut choisir… Choisir, c’est le problème.
– Pourquoi ?
– Parce que choisir, c’est renoncer à tous les autres possibles.
– On peut ne pas choisir.
– Exact, mais alors on renonce à la totalité des possibles : on tombe loin de la vie. »
Ce qu’en dit superbement Lise Gauvin dans Le Devoir, c’est là.
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Discussion
Rétroliens/Pings
Pingback: Note de lecture : « Brumaire – Sur champ de sable III (Françoise Morvan) | «Charybde 27 : le Blog - 10 décembre 2019