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Notes de lecture 2012

Note de lecture : « Le Japon n’existe pas » (Alberto Torres-Blandina)

Un aéroport, un balayeur conteur… Un cocktail magique et joliment déroutant.

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Le Japon n'existe pas

Publié en 2009, rapidement et joliment traduit en français la même année chez Métailié par François Gaudry, ce premier roman d’Alberto Torres-Blandina devrait réjouir, comme le signalait à l’époque le Magazine Littéraire, les amateurs de Bolaño, de Vila-Matas ou même de Borges.

Dans un aéroport espagnol, et parmi ses longues plages d’attente et de transit, un singulier personnage, balayeur de son état, observateur attentif et chaleureux, érudit surprenant, entreprend fréquemment, avec bonhomie, les voyageuses ou voyageurs esseulé(e)s, et raconte… des histoires. Bribes étonnantes, pièces déroutantes de voyage immobile, parfois hachées par les embarquements, et reprises plus tard au hasard d’une correspondance, morceaux de vérité mettant à bas certains des plus tenaces mythes du tourisme de masse, ces histoires tissent une toile serrée de réflexions sur l’amour et le destin, et regorgent de mises en abyme, sérieuses ou rigolardes, sur la vie « réelle » et la fiction, jusqu’à une révélation « finale » de toute beauté.

Il faut se laisser entraîner sans retard par le talent de ce conteur parfois aux limites de la logorrhée bienveillante, rebondissant sans relâche sur les réactions de ses interlocuteurs que l’on n’entend jamais, par ses paradoxes souvent teintés d’absurde initial, mais encore plus souvent nimbés de magie à leur chute.

Une belle réussite, qui donne clairement envie de faire un bout de chemin avec cet auteur.

« Je ne vais pas y aller par quatre chemins. Que je fasse ou non des détours vous allez être étonnée, alors autant aller droit au but : Jussi Latvala s’appelle Pau Baldrich. Il n’est ni finlandais ni mort ni rien. Et je le sais parce que Pau, ou Jussi pour vous, travaillait avec moi tous les étés. C’était un jeune homme très agréable. Il travaillait deux mois avec le personnel d’entretien, ce qui lui permettait de se payer des fantaisies. Le fait est que Pau avait des désirs artistiques. J’ai tenté de le convaincre de se concentrer sur ses études et de se chercher une gentille fille, mais Pau ne m’écoutait pas. D’ailleurs, pourquoi m’aurait-il écouté ? Certains aiment le football, d’autres la poésie. Je ne vais pas vous raconter d’histoires, à vous qui voyagez avec un livre de Baudelaire en version originale et pas avec ces magazines de la presse du cœur. Moi non plus, ça ne m’intéresse pas, mais ma femme les dévorait… Chacun son truc. C’est ça qui est bien, non ? Parce que si on on avait tous les mêmes goûts, ce serait ennuyeux : qu’est-ce que tu penses du film qu’on a vu hier ? Exactement comme toi. Ah bon, d’accord… Fin de la conversation.
Pau était comme vous. Et je ne dis pas « était » parce qu’il est mort, mon Dieu non, mais parce que je n’ai aucune nouvelle de lui depuis qu’il est parti à cause de cette fille. Mais là, je vais trop vite. »

Ce qu’en dit ma collègue et amie Charybde 7 est ici.

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Torres_Blandina

À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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