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Notes de lecture 2021

Note de lecture : « La bête, son corps de forêt » (Perrine Le Querrec)

Ce qui se passe au cœur de la forêt lorsque deux corps tentent de s’y rencontrer. Une poésie brève, intense, sauvage et puissante.

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Bête

Terre ferme, tout tangue
ainsi nos corps de fourrure
ainsi les cris sauvages
ainsi la jouissance ses noms
ainsi l’abandon ce don

Publié quelques jours avant le confinement sanitaire de mars 2020, puis relancé en juin 2020, aux éditions Les Inaperçus (à qui l’on doit de somptueux et discrets trésors tels que le « N » de Mikaël Lafontan et Éric Pessan, ou le « Tout aura brûlé » de Sidonie Mangin et Lucie Taïeb), le bref – mais particulièrement intense – « La bête, son corps de forêt » suivait de quelques semaines le beau recueil « Vers Valparaiso » pour réancrer l’espace de poésie « pure » fréquenté avec tant de beauté par Perrine Le Querrec, après ses complexes explorations les plus récentes du côté sombre, violent mais peut-être bien essentiel de l’art – et de la vie -, telles que « Ruines » (2017), « La Ritournelle » (2017), « Rouge pute » (2018) ou « Bacon le cannibale » (2018).

Tu m’escalades
Je te pariétal
Mes doigts trempés de terre j’appuie la pulpe
Sur tes étoiles je trace

Pour exprimer ce qui se produit, ce qui se passe, ce qui advient ou même ce qui s’opère lorsque deux corps – leurs esprits éventuels en léger surplomb – se rencontrent au cœur d’une forêt à la fois très concrète et follement mythique, Perrine Le Querrec a mobilisé un registre différent de ceux qu’on lui connaissait dans « Bec et ongles » (2011) ou dans « La Patagonie » (2014). Libérant une autre forme de sauvagerie, qui passe aussi par l’inventivité langagière et la férocité syntaxique, elle côtoie par fulgurances le Gherasim Luca de « Prendre corps » , lorsqu’un désir tellurique vient saisir les amants, femmes ou bêtes, animaux dotés (et ô combien) de langage – lorgnant du côté du souffle primal chanté à sa manière aussi singulière par le Valère Novarina du « Théâtre des paroles » -, les plaquant entre la peau et l’écorce pour des étreintes potentiellement cataclysmiques.

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Viens, l’explorateur
Viennent caravelles goélettes brise-glaces
J’équarris de la hache du langage
Les inaccessibles chemins m’y tiens par la lame
Sans jamais me couper
Tu perces le mystère
Des lisières

Deuxième ouvrage de la collection La mer dangereuse, dédiée par Les Inaperçus au désir et aux passions amoureuses, « La bête, son corps de forêt » parvient ainsi, de manière en fait plutôt inattendue, à déployer une luminosité toute solaire, nourrie de l’entrelacement des corps parmi les aiguilles de pin et les mousses volontiers imaginées, à profiter du fait que le loup n’y est pas – ou en tout cas pas de manière foncièrement menaçante – pour explorer l’érotisme de la terre et de ses sillons, des toiles d’araignée et de leur rosée, des tanières et des vallons, des feuilles et des bourgeons. Jouant à merveille du double entendre qui peut s’inscrire, pour peu que le talent poétique soit de la partie, dans les images bucoliques les plus ressassées, maniant du même vers livre la ruée sauvage et la suspension tendre, entrechoquant les devenirs animaux aux désirs d’humanité distinctive, Perrine Le Querrec, joliment servie par la belle couverture de Frédérique Breuil, nous offre un long poème d’amour résolument pas comme les autres.

Didascalies de l’amour physique
ta beauté renversée
miracles ratures et recommencements

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Unknown

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