De la pulpe de fiction au combat poétique contre la politique spectaculaire marchande : en quatre pages brûlantes et malicieuses, l’éclairage d’un chemin contre-culturel caillouteux et nécessaire.
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en 1980
le cowboy de Marlboro est devenu
le captif du Prince
Richard attrape au lasso
l’image stéréotypée
lancée au galop
désarçonnant au passage
le concept d’auteur
et de droits
Depuis 1999, Patrick Bouvet traque de sa poésie acérée les composantes ramifiées du spectaculaire marchand et la façon toute politique avec laquelle il pénètre nos esprits et nos pratiques sous couvert de neutralité et / ou de divertissement. Stars de rock (« Carte son ») et de cinéma (« Pulsion lumière »), mutations numériques orchestrées (« Trip machine ») et performances de masse (« Petite histoire du spectacle industriel »), reportages à sensation distillant la peur (« In situ ») et vertiges de la fashion en mode de vie (« Canons »), rien n’échappe à terme à son investigation puissamment construite et savamment pulsatile.
Avec « Le livre du dedans » (2019) et d’une certaine manière également avec « Pistes – Volume 1 » (2020), c’est au nécessaire making of de cet art bien particulier de la compréhension de l’ennemi spectaculaire marchand, si chaudement installé dans notre intimité, que nous convie le poète, en retraçant certains éléments-clé de la genèse personnelle d’un armement contre-culturel aussi inattendu qu’indispensable (et l’on songera certainement aussi au précieux travail collectif « Poésie et politique : toi aussi, tu as des armes »).
Avec la beauté artisanale des objets-livres patiemment fabriqués aux éditions Derrière la salle de bains, c’est une nouvelle étape de ce processus d’élucidation et d’armement qui nous est proposée en cet automne 2020, avec ce « Prince Richard ». En quatre pages de poésie toujours aussi intense, il s’agit bien de zoomer pour un instant sur le lien entre la domination d’une certaine publicité incarnée historiquement par le cow-boy Marlboro et ses détournements, retournements et contaminations possibles grâce à la pulpe de fiction que fournissent à l’esprit, ludique aussi bien que sérieux, les mauvais genres, les séries b, c ou z désapprouvées, les niches réputées sous-culturelles, obsessionnelles et autres chemins de traverse toujours plus riches qu’on ne le croit en munitions de résistance (gisements sur lesquels d’ailleurs les belles éditions du Murmure n’en finissent pas, grâces leur soient rendues, de nous éclairer, ici, ici, ici, ici ou ici, par exemple). Et c’est ainsi que, même aussi condensée que dans cette épreuve de compacité ultime, la poésie remplit son rôle salutaire.
La photographie ci-dessous est de Renaud Monfourny et de son fabuleux photoblog des Inrockuptibles.
Richard possède de nombreux romans en cellulose
pulpe de fiction
se répandant dans une zone
d’inconduite sexuelle
de corruption
de pulsions
où des infirmières érotiques
masquées
possédées
injectent de la sous-culture
chaude
dans nos yeux
fiévreux
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Discussion
Rétroliens/Pings
Pingback: Note de lecture : « Media Machine Muzak (Patrick Bouvet) | «Charybde 27 : le Blog - 30 mai 2022