Une poésie somptueuse et inventive, précise et rusée, pour tracer des méandres de face-à-face, de feinte et d’échappée sur des terrains familiers de l’intimité ou des zones du réel politique restant à défricher.
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Seizième livre de la poétesse, plasticienne, cinéaste et performeuse Florence Pazzottu, publié en 2020 aux éditions LansKine, ce recueil-concept (comme il y eut jadis, à la grande époque du progressive rock, des albums-concept) nous invite à un saut subtil et néanmoins redoutable, en exploitant toutes les facettes possibles de la métaphore rugbystique inattendue du cadrage-débordement. Loin de se contenter de la mise en oeuvre de plusieurs calligrammes de toute beauté, précis et affûtés, l’autrice y déploie un fort parcours de découverte, slalomant dans la défense pour y dessiner aussi bien les curieuses arabesques de détournements autobiographiques que les poèmes-sms permettant la transposition contemporaine rusée de contes japonais du dixième siècle, les assauts de l’imprévisible, dompté et accepté mais certainement pas domestiqué ni apprivoisé, que les exigences discrètes de compositions savantes, sans rien lâcher, à aucun moment, de la précision de son vocabulaire et de ce qu’il peut produire en nous, en image et en mouvement. Une poésie somptueuse et rusée dont on se délecte longtemps.
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L’homme sait
Que Poésie n’évite rien.
Son amour de l’expérience
doit lui apprendre à se défendre
du pleinement dont elle est grosse
– que poésie se sache trouée ! –
Une discipline d’étonnement ?
Il faut bien néanmoins que poème
se fixe, fasse l’épreuve dure
– du chiffre et du récit !
(…)
Lunettes envolées dans un train désert image
muette aussi irrémédiable que d’un ami
le silence – restent les visages et l’énigme
qu’ils sont : une lune énorme griffée par les arbres
déchirant mon coeur comme le pourquoi des enfants
(7 avril 11 à 20 h 13)… Mon intuition :
tu te concentres sur le travail tu gagnes le
combat contre toi-même tu découvres ce que
tu sais déjà (mais) : qu’il y a une affirmation
qui est à la fois audace et écoute la plus
vaste jamais une domination – tout le reste
suivra (amour etc.) se déploiera à
partir du mur du jardin – frontière ouverte où se
font écho le bruissement de l’atelier et le
chant du dehors (8 juin 12 à 10 h)… Merci pour
Libération. J’avais pensé t’envoyer ce seul
mot – un cri de victoire – malgré le réveil à
6 h ce matin tu me devances (14
août 14 à 6 h 38) j’espère que
tu traverses déjà ta tristesse et t’abandonnes
à la douceur… Tu ignores tout du Hollandais
volant ? Il dirige un navire fantôme mais
suscite et éprouve un amour vrai – n’est-ce pas mieux
au fond que l’inverse ? (13 août 14 à 9 h)…
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