Sous le signe de l’amour et de la haine, de la vraie-fausse litote et de l’euphémisme authentifié, un numéro 10 plus foisonnant que jamais, toujours aussi érudit et aussi joueur, pour un anniversaire qui, naturellement, fait date.
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Dixième numéro ! Voici donc franchie une étape aussi symbolique que puissante, pour une revue littéraire de l’ambition joueuse de « La moitié du fourbi », paraissant deux fois par an depuis février 2015. Une nouvelle occasion de plonger avec ravissement dans ce curieux mélange, quasiment unique en son genre, d’érudition et de sens du jeu (propre et figuré), de fiction et de non-fiction fusionnées artistiquement, d’imagination pure et de grâce rendue aux prédécesseurs en littérature et en poésie, mélange qui constitue aussi, de facto, l’un des plus attachants laboratoires contemporains de l’écriture telle qu’elle se construit en permanence, pas à pas, dans la recherche et dans l’échange.
Seule véritable rubrique « permanente » de la revue, L’Œil de l’Oulipo frappe fort avec Étienne Lécroart, en (c’est une première) seize cases de bande dessinée permettant à un couple peut-être au bord de la déchirure de passer en revue, littéralement, en visitant une brocante, tous les mots qui vont « De la haine à l’harmonie ».
Plusieurs contributions ont attaqué au corps, en trace directe, la notion même de haine, ses aspects trompeurs ou délétères, et ses paradoxes apparents. David Collin, auteur savoyard vivant en Suisse, s’appuie sur un texte de Günther Anders, moins connu que son monumental « L’obsolescence de l’homme », pour démontrer, sur ce terrible cas d’espèce, le pouvoir du mot (« La fin de la haine ou le début de la fin »). Un texte qui résonne étrangement avec celui de Pierre Chopinaud, avec son exploration toute contemporaine des crimes mécanisés de masse incarnés lors d’un séminaire de travail à Oswiecim, davantage connu sous son nom germanisé d’Auschwitz, en un vertige à la fois subtil et brutal qui évoque aussi le Patrick Imbert de « Week-end à Oswiecim » (« Révélation »).
Hugues Leroy, l’un des contributeurs les plus constants et les plus magiques de la revue (je ressens encore une émotion intellectuelle presque indicible à chaque relecture de son « Sur les vertus de la concision dans certains textes que personne ne lit », publié dans le numéro 1 de l’aventure, « Écrire petit ») est allé traquer la fausse litote à la racine même, cornélienne, de sa fortune, et sa quête se révèle surprenante et décapante (« Ceci n’est pas une litote »).
Patrick Varetz, en relisant attentivement et juste ce qu’il faut de brutalement les symptômes langagiers les plus marquants de la relation entre le narrateur de « À la recherche du temps perdu » et « son » Albertine (celle qui sera bientôt disparue), exhume une composante tenace de la relation ambiguë entre le dit de l’amour et celui de la haine, précisément (« Les tergiversations du jeune Marcel »), tandis que Zoé Balthus (dont les entretiens et les remémorations menées dans la revue sont à chaque fois une fête de l’intelligence et de la sensibilité – mon préféré restant sans doute à date « Le cornac blanc et l’éléphant noir », dans le numéro 4, « Lieux artificiels »), creusant la litote inversée du « Je t’aime. Moi non plus » de la chanson de 1967 (mais surtout de sa version de 1969), et de son soufre intact, nous offre une rare incursion dans le sens d’une relation amoureuse complexe, comme celle qui lia Serge Gainsbourg et Jane Birkin (« Bloody Mary »).
Anne Maurel, enfin, dont on connaît la redoutable capacité à traquer ce qui peut se dissimuler dans la banalisation d’une métaphore (« Au bout de la langue, l’image », publié dans le numéro 7 de la revue, « Le bout de la langue »), nous offre une belle plongée dans la confusion des affects gravitant autour de cette périlleuse notion, avec le soutien de Stendhal et du Victor Hugo de « L’homme qui rit » (« Et si la haine était sans objet ? »).
Mon aversion pour le mot « haïr » vient sans doute de mes recherches et études personnelles, de mon travail d’édition et d’écriture, des rencontres que j’ai organisées sur le sujet, et de mes documentaires radios et textes sur les génocides et les crimes contre l’humanité. Je sais trop bien que les mots tuent et dans quel engrenage conduit l’idéologie de la haine. (…) Et pourtant, en relisant La Haine du philosophe allemand Günther Anders, je comprends mieux, trouve bien des réponses à mes questions, des échos à cette haine du mot « haïr » qui fut manipulée par les maîtres de l’idéologie eux-mêmes. (David Collin, « La fin de la haine ou le début de la fin »)
Mais que l’exemple ultime de la litote française n’en soit pas vraiment une pourrait bien, du coup, en faire l’exemple ultime d’un trope – d’une figure de style qui, comme toute figure de style, et toute catégorie esthétique en général, ne marche pas – soit la description a posteriori d’un effet de sens que l’étudiant s’échinera, en vain, à retrouver dans tout autre objet soumis à sa vigilance. On a appris par cœur la syllepse, l’antonomase et la prosopopée – mais rien à faire, votre texte refuse d’y tenir. Sa polysémie déborde les droites frontières de vos définitions : on dirait un peu une hypotypose (exemple : le songe d’Athalie !), sauf que pas tout à fait. Si vous avez étudié la stylistique, vous savez qu’elle s’apparente à ces tableaux d’activité qui entendent, à des fins didactiques, passionner un nourrisson pour ce dilemme cornélien de pousser un cube dans un trou triangulaire. (Hugues Leroy, Ceci n’est pas une litote »)
On peut donc penser que seule l’attention à l’objet, voire l’invention d’objets nouveaux, permettraient d’échapper à la haine. La différence véritable entre l’envie et la haine tiendrait à l’existence ou non d’un objet extérieur. L’envie met en mouvement les vaniteux des romans de Stendhal, les porte vers des objets. La haine, au contraire, fixe Barkilphedro dans une relation imaginaire en miroir avec son autre, la duchesse Josiane, à la fois sa semblable et sa rivale. (Anne Maurel, « Et si la haine était sans objet ? »)
L’État n’a vu du monstre que la dorsale, tandis que dans leur cœur les enfants, les hommes et les femmes attaqués ont vu sous la mer la masse aqueuse et incommensurable de la machine, de l’animal, de la baleine. Il y a sous l’eau une organisation criminelle avec une arme et une intention. Je l’ai vue, regardant la dorsale arriver en fendant l’eau, et fixant la pellicule incorporelle par où transperce le réel. L’ai-je vue comme d’autres voient le monstre du Loch Ness ou des voleurs d’enfant ? (Pierre Chopinaud, « Révélation »)
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Julien Gracq et Nora Mitrani, 1958
Une autre série de contributions a déniché avec grand brio des truchements parfois improbables pour explorer d’autre versants, d’autres résonances complexes de ce « Je ne te hais point ».
Anthony Poiraudeau analyse avec une finesse époustouflante l’irruption, ténue mais décisive, d’une figure humaine dans une série de photographies de paysages réalisées par Julien Gracq, pour, utilisant aussi sa relation intime aux textes de l’auteur, détecter les interstices et tout le non-dit qui peut habiter derrière une formule amoureuse discrète (« Rue étroite (avec Nora Mitrani ?) »), tandis que Sabine Huynh nous propose un sublime échange avec Yoav, le personnage central du film « Synonymes » de Nadav Lapid (2019), pour imaginer et décrypter la sourde résonance qui la lie à cet Israélien-là, projetant hantises et hallucinations dns Paris, autour non pas en soi d’un déracinement, mais bien plutôt de la manière dont les haines des autres, exprimées par le racisme et la xénophobie comme des réflexes issus de la moelle épinière déteignent souvent inexorablement en haine de soi – et de comment la reconnaissance de cet entrelacement de phénomènes est nécessaire pour espérer dompter cette aliénation, ce double bind (« Yoav, mon jumeau »).
Pas si loin de cela, contre toutes apparences, Hélène Gaudy s’est appuyée sur le film « Braguino » de Clément Cogitore, et sur sa mise à plat presque poétique de la coexistence physique et mentale de deux familles volontairement exilées dans la solitude sibérienne, pour proposer une lecture de la naissance de la haine, et une interrogation sur son inexorabilité (« L’origine de la guerre »), tandis que Frédéric Fiolof, à partir du matériau de base fourni par Sophie Calle et son exposition « Prenez soin de vous » de 2007, explore les abîmes de la lettre de rupture, et les infinies possibilités qu’y ouvrent notamment les gradations de la litote, avérée ou non (« Quitte ou double »).
Yoav, toi qui traverses Paris tête baissée et synonymes écumant à tes lèvres, je vous connais bien, toi et tes procédés de fuite mentale, ces formes d’autohypnose dont tu uses pour te protéger de la foule ou de toi-même. On peut se répéter des mots, une phrase, se repasser une chanson ou une mélodie en boucle dans la tête – ce que j’appelle « faire la radio » : par exemple, j’ai fait la radio du lever au coucher quand j’étais caissière à Intermarché, vendeuse à Kiabi, étudiante à Cambridge. On peut succomber au silence dans sa tête. On peut danser toute seule jusqu’à épuisement en faisant la radio. On peut compter systématiquement ses pas ou les marches des escaliers qu’on prend. On peut, comme je l’avais fait durant cette première année trop solitaire à Boston, mémoriser et réciter les numéros de téléphone de ses cent cinquante étudiants ainsi que ceux des plaques d’immatriculation qui croisent son regard pendant la journée. On peut être là physiquement tout en étant absente mentalement, non, c’est le contraire : le cerveau bout alors que le corps ne donne aucun signe de vie. (Sabine Huynh, « Yoav, mon jumeau »)
Si Clément Cogitore est venu jusque-là, s’il a pris les deux avions depuis Moscou, remonté le fleuve Ienisseï, trouvé un moyen de parcourir les derniers kilomètres dans la taïga, c’est d’abord pour filmer la communauté minuscule de Sacha,
son Éden solitaire. Et puis, il a découvert d’autres hommes secs et barbus, d’autres femmes coiffées de fichus, d’autres enfants blonds et vifs dont les silhouettes, parfois, s’immobilisaient d’un coup, dressées contre le ciel. Il les a filmés, de loin : l’image des Kiline est floue, incertaine, et cette simple distance nous les rend plus inquiétants que les autres.
Petit à petit, le réalisateur a compris ce qui se jouait. On lui a interdit de traverser la barrière, de recueillir la parole des ennemis : s’il leur parlait, il n’aurait qu’à rentrer chez lui.
Alors, il est resté. Et son film sur une communauté isolée est devenu un film sur autre chose. L’impossibilité de l’isolement comme de la communauté. Quelque chose comme l’origine de la guerre. (Hélène Gaudy, « L’origine de la guerre »)
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Trois autres contributions ont mis en scène avec ruse quelques épisodes de haine, mais bien entendu de haine pouvant questionner aussi la notion d’amour (ou d’amitié), éventuellement à géométrie variable. C’est ainsi qu’Emmanuelle Pagano nous offre deux extraordinaires plongée et contre-plongée dans les affres de secrets familiaux portant les sentiments à leurs paroxysmes (« Lettre à mon arrière-arrière-grand-père »), que Philippe De Jonckheere, sous couvert d’un règlement de comptes potentiellement bien réel, utilise l’absence de hasard de la création littéraire pour traiter du choc en retour de la haine – et de la différence revendiquée de perception, par tout un chacun, en ce qui concerne le mal commis aux autres (« Le salaud »), et que Xavier Mussat, à travers quelques planches choisies extraites de son album de 2014, « Carnation », déploie de formidables ressources graphiques, avec un remarquable usage du glissement fantastique et onirique, pour proposer une lecture enflammée de la relation toxique, sous toutes ses coutures, ou presque.
Deux contributions, enfin, ont usé de la possibilité de prendre la litote « Je ne te hais point » (pourtant dénoncée comme telle par Hugues Leroy, voir plus haut) au pied de de la lettre, pour nous parler d’absence de haine, voire d’amour, fût-ce d’amour contrarié ou difficile. Les photographies de Spencer Murphy, sous leur apparence si simple, nous entraînent du côté de Marinaleda, petite cité espagnole aux allures d’utopie concrète, arrachée aux grands propriétaires terriens, résistante aux crises jusqu’à aujourd’hui, proposant un modèle qui ne devrait pas pouvoir exister si l’on croyait les tenants immémoriaux du « There Is No Alternative », et qui mérite ainsi son surnom, pour l’occasion, de « cité sans haine » (« Paz & amor »). Pacôme Thiellement, en une conversation de sept pages dont son « Sycomore Sickamour » de 2018 aurait été le prétexte, nous entraîne sur d’impressionnants sentiers de traverse, où, comme il nous a y habitués désormais (je me souviens avec une émotion particulière de son « Pop Yoga » de 2013), sa capacité à faire foisonner et à réorienter la pop culture disséminée fait une fois de plus merveille.
Et puis voilà, il y a ce texte inclassable, pour moi peut-être le plus beau d’un numéro 10 qui ne manque pourtant pas de pages saisissantes : C. Jeanney nous permet de nous faufiler de premières pressions à froid en attaques de cacahuètes, de choses coincées dans les interstices en marchés plutôt affectés qu’affectueux, de murailles plus actives que jamais en fusillades largement euphémisées, pour pénétrer certains mystères de « l’amour froissé, l’amour inconséquent, l’amour non conscient de ses particules nocives », avec un titre qui, certainement, mérite déjà à lui seul le détour (« Le larynx, les écouvillons, le marché, les listes, les ratés, les dégâts, les podiums et les fêtes foraines »).
Des citations très pertinentes très éclairantes très éclairées, il y en a des deux côtés de chaque frontière d’amour, de haine. Et puis il y a la brume entre les deux. Il y a de la brutalité gentille. De l’amour qui isole. De la haine qui construit. (« Me serais-je améliorée ? » demande le personnage aux yeux manga dans la télévision). Dans quelle poche de quel sac à dos ranger les phrases ennemies de l’amour destructeur (« Que fais-tu ? » et c’était des contrôles aimants à n’en plus finir, à ne plus savoir tenir debout) (« Fais comme moi puisqu’on s’aime » et c’était cette sorte de laminage doux où on ne peut que ramper, ramper, sans trouver la sortie). Et dans quelle poche ranger la haine cohérente, celle qui délimite les endroits frais, celle qui veut éviter les déversements de boues rouges dans l’eau pure ? La haine contre ce qui fait nager les poissons ventre à l’air ? La haine mauvaise conseillère ? La haine juste ? L’amour vache ? L’amour déclamatoire de soi et l’amour accueillant, ça en fait des dossiers, des sous-titres. Et je ne dis rien des nuances. (C. Jeanney, « Le larynx… et les fêtes foraines »)
Dans Les Désaxés, Marylin Monroe dit à Guido Delinni – Eli Wallach – quelque chose comme « Toi, un être sensible qui as de la peine pour ta femme morte, qui t’en veux encore d’avoir dû larguer des bombes sur des innocents au Vietnam, il te faut une raison valable pour te comporter en être humain ? » Ne nous méprenons pas. Les Guido Delinni parcourent le monde dans des paquebots géants parce qu’il n’y a aucune raison valable de ne pas le faire. Ils classent les dépêches AFP dans l’ordre apparent de l’apparence de l’ordre, celui qui convient bien aux chanceliers. Ils observent les nuages nocifs et indiquent leurs limites très précisément, car leur premier souci est la raison valable d’éviter la panique qui n’est pas bonne pour les affaires. Le marché s’effondre, il suffoque, mais retrouve un peu d’assurance. Le marché est largement soumis à ses affects, on devrait le faire suivre par des psychologues. Les Guido Delinni parcourent le monde au chevet du marché. Ils ne rêvent pas, ou bien ils rêvent très mal. Il leur faudrait de bonnes raisons pour bien rêver. (C. Jeanney, « Le larynx… et les fêtes foraines »)
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RICHARD DAWKINS
Un nouveau livre de Richard Dawkins « Outgrowing God: A Beginner’s Guide » (2019, Bantan Press, 304 p.) que l’on pourrait traduire « Dépasser Dieu : Guide pour Débutants », ne laisse pas indifférent pour qui connait un peu le parcours de l’auteur. Professeur de zoologie à Oxford, puis à Berkeley, il retourne à Oxford en tant que « Professeur pour la compréhension de la science » en 1995. Il se fait alors remarquer en 2008 par des publicités sur les bus de Londres qui circulent pendant un mois avec cette inscription « There’s probably no God. Now stop worrying and enjoy your life » (Il n’y a probablement pas de Dieu. Maintenant arrêtez de vous inquiéter et profitez de votre vie). J’ai vu ces bus alors qu’aux Etats Unis, juste avant, il y avait des pancartes publicitaires un peu partout avec le slogan comme quoi « si on ne croyait pas en Dieu, on était contre l’Amérique ». Le choc des deux campagnes, bien involontaire, ne pouvait que me renforcer dans ma conviction d’un état profondément laïc. Merci Voltaire.
« Le gène égoïste » est un ouvrage (2003, Odile Jacob, 200 p.) pour le moins polémique de Richard Dawkins, l’ouvrage qui l’a fait connaître. C’est l’évolution de Darwin vue autrement, pour faire court. Adoptant le point de vue du gène, les êtres vivants ne seraient que des sortes de robots préprogrammés pour préserver les molécules égoïstes que sont les gènes. En fait le terme égoïste ne signifie pas du tout que le gène ait une quelconque volonté ou intention propre. Par contre leurs effets font penser qu’ils pourraient l’être. L’idée est tout de même celle d’un organisme qui réplique un élément original, lui procurant ainsi un avantage, celui de pouvoir transmettre des combinaisons qui font que cet organisme peut se protéger ou survivre à des aléas, et ainsi définir une évolution vers quelque chose de plus stable. « Toute vie évolue en fonction des chances de survie des entités répliquées ». Jusque-là on n’est pas très loin de l’hypothèse darwiniste. Le terme égoïste vient ensuite, lorsque dans un groupe, un élément vient perturber la population. Cet individu « égoïste », comme un faucon (« hawk ») au milieu d’une population de colombes (« doves »), peut alors modifier fondamentalement le groupe.
Le fait de pouvoir se repliquer en imitant à par la suite donné lieu à la théorie des « mèmes », « un élément de langage reconnaissable et transmis par répétition d’un individu à d’autres » qui seraient l’équivalent des gènes. Expliquant ainsi pourquoi les taxis des grandes villes sont souvent jaunes comme à New York, ou que les jeunes du monde entier s’habillent de vêtements aux trois bandes ou boivent des sodas plus ou moins à base de kola et de damiana. Parla suite Dawkins laisse à Susan Blackmore le soin de propager et d’étendre la mémétique ou théorie des mèmes. Il en ressort un ouvrage « La Théorie des Mèmes » (2006, Max Milo, 415 p.) traduit de « The Meme Machine ».
L’athéisme revient alors à grands pas. Il n’était jamais loin dans la mesure ou Dawkins a une vision scientifique naturaliste, qui est à la base de son athéisme. Il le reconnait d’ailleurs, je ne sais plus trop où. Il se définit comme agnostique quasi-certain de la non-existence de Dieu. Il évalue son degré de certitude de non-existence de Dieu à « 6.9 sur une échelle de 7 ». On jugera des finasseries lors de sa rencontre ou non avec le vieillard barbu à sa mort. (il faut toujours se garder une porte de sortie). En fait son agnosticisme remonte à son indécision quant à choisir entre un seul dieu, celui des monothéistes, et encore lequel, celui des chrétiens, des juifs ou des musulmans, pour ne citer qu’eux, ou entre les multiples dieux comme dans l’hindouisme. Il préfère l’idée de se dire que si dieu est une invention humaine, alors les êtres humains devraient être nos idoles.
Ces bases posées, il propose une justification de sa théorie, cela tout au long de 12 chapitres, assez clairement divisés en deux parties, voire deux plus une conclusion. Tout d’abord dans les 6 premiers chapitres, il pose la question de la véracité, plus ou moins historique, de dieu, et de la Bible qui décrit ses œuvres. Sont-ils tous deux bons, et de bonne foi ? premier reproche, il ne traite que de la Bible au sens des chrétiens européens, peut être en englobant les juifs. On sait d’après es travaux des lexicologues et des historiens, que la Bible n’a pas été écrite en une seule édition par un seul auteur. On admet aussi que par exemple le nouveau testament ne fait que regrouper des écrits, certains datant de quelques années, voire siècle, après les évènements. C’est donc un mauvais procès qui d’engage, misant sur la forme plutôt que sur le fond.
Arrivé au chapitre 6, il examine la question du fond « comment décidons nous de ce qui est bon ? ». Là encore, c’est un faux procès. Ne pas oublier les Pyrénées dans ce jugement, comme plusieurs l’ont rappelé. Bien entendu, vu de British Columbia où il vit, les Pyrénées n’évoquent peut-être qu’une marque de chocolats. Un peu plus loin, il y a cette dispute entre le nombre d’ascendants du Roi David, selon qu’on se rapporte à Marie (25) ou à Joseph (41). Au vu des Etats Civils de l’époque, cela parait puéril. Suivent des exemples d’hommes bons (ou moins bons). Et de citer quelques multimilliardaires actuels philanthropes, ou de pires canailles staliniennes, athées. Que vient faire là Hitler avec un questionnement sur sa « chrétienté ». Cela remonte aux épisodes de lutte contre la Rose Blanche (« Die Weisse Rose ») groupe de résistants en réaction à la « Deutsches Jungvolk » (Jeunesse Hitlérienne). C’est aller un peu vite en besogne.
On entre ensuite en une controverse avec le dessein intelligent, « Intelligent Design », pseudo science qui a fait fureur aux Etats Unis, en même temps que d’autres théories suprémacistes sur la platitude de la Terre ou autres billevesées. L’approche est risquée, car sur certains points la sélection naturelle n’apporte pas toujours la réponse adéquate. Mais le sujet est complexe. ON pourra d’ailleurs lire l’excellent et bien écrit « Why Pigs have no Wings » de Jerry A. Fodor, traduit en « Pourquoi les cochons n’ont pas d’ailes » dans « Le Débat » (mai 2008, 76-86)
En résumé, l’évolution, Darwinienne ou pas, montre différents degrés d’évolution selon les espèces et même les auteurs de livres. Ce dernier livre « Outgrowing God: A Beginner’s Guide », bien qu’indiqué comme guide pour débutants, apparait plutôt comme une resucée de concepts déjà anciens sans rien de vraiment nouveau ou convaincant. Est-il suffisant pour faire du prosélytisme, dans un sens ou l’autre, ou tout juste augmenter quelque peu les droits d’auteur des différents marchands du temple.