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Notes de lecture 2017, Nouveautés

Note de lecture : « L’excédent » (Perrine Le Querrec)

Craindre d’être excédent, repartir néanmoins à l’assaut des sentiments.

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Avril au son des carillons dans une maisonnette dérobée au bout d’une allée au fond du jardin de la Villa sur une table de bois écrivant t’attendant les pieds brûlés par la marche talons hauts censés me transformer en femme pour te séduire te plaire est toujours un objectif je ne sais si je l’atteins si tu l’attends je ne sais
Ici deux jours deux nuits
De Rome quelques rues des arbres sublimes les pins plantés par Ingres je ne les oublierai pas, ni toi je ne peux t’oublier ou m’éloigner écorce sur le tronc
L’attraction sauvage ne se commande pas ne se régule pas, elle échappe à la volonté, quel pauvre petit jouet enclin au désir m’accordant à ton pas ne convoitant rien de plus que tes étreintes tes histoires ta présence rien de plus cette liste entière
De Rome les vues panoramiques sur une ville toute d’ancienneté mijotant dans son jus de ruines c’est drôle je ne sens ni Pasolini ni d’autres mais de Rome finalement je n’ai rien vu que notre lit et la jardin de la Villa les pins à l’odeur d’oranger mélangés aux nuages l’escalier en forme de conque et le petit gravier roulant sous nos pas

Les belles éditions artisanales Littérature Mineure ont succédé à l’automne 2016 à Derrière la salle de bains, en retraite, et Perrine Le Querrec y a amené un nouveau de ces textes courts fulgurants qui, comme son « De la guerre » de 2013 ou son « L’initiale » de 2014, lui donnent l’occasion de condenser en quelques pages denses le flot poétique à haute teneur en acier qu’elle distille le plus souvent sur de plus longues distances, recueil structuré comme « La Patagonie » (2014), ou roman agencé comme « Le Plancher » (2013) ou « L’Apparition » (2016). Creusant ici dans le vif d’une métaphore multivoque, elle transforme un excédent de bagage, si simple en apparence, en doute suprême à révoquer – si l’on peut -, doute intime, amoureux et existentiel, qui vient nous confronter tout à coup sous les pins de la villa Médicis à Rome, et fait espérer le salut – ou l’illusion renouvelée – d’un départ japonais.

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À Rome j’ai perdu tous mes mots envolés en carillons à tous vents vivement le prochain voyage vivement le prochain langage tu crois qu’il existe ? moi je ne sais pas j’ai des doutes, des doutes à Rome à Paris mais peut-être pas à Tokyo, Tokyo la Certitude c’est peut-être là si je pouvais y rester, rester quelque part tu sais ce serait bien le voyage où la question du retour ne se pose pas, mais ce ne sont pas tes bras qui font parfois parenthèses jamais une histoire entière je n’ai pas le droit aux histoires entières des petits bouts des fragments comme moi, tu n’as qu’à être entière ! mais entière tu sais ce que je ferais ? je ferais peur à moi-même aux autres aux enfers on me renverrait au diable à Rome à Paris à Tokyo au bout du monde

Sous l’adresse presque mallarméenne dans son intensité et dans sa quête de décision de ces quelques dizaines de lignes haletées, jetées à la confusion des sentiments, on sent crisser toute une vie souterraine sous les mots, tout un brouhaha qui va tout à coup cristalliser et survivre, avancer et agir – et l’on se dit, encore, à quel point Perrine Le Querrec nous démontre à chaque occasion la puissance qu’elle est capable d’instiller dans chaque registre poétique qu’elle utilise.

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À propos de Hugues

Un lecteur, un libraire, entre autres.

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