Lorsque la sécurité matricielle est devenue l’unique objet politique ou presque.
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Premier contact avec Thierry Di Rollo, à l’occasion de ce « Préparer l’enfer », première excursion de sa part en Série Noire, où il vient de paraître en ce début 2011. L’un de mes libraires préférés (Scylla, Paris XII) m’avait dit beaucoup de bien de cet auteur, jusqu’ici principalement actif dans une SF réputée sombre. Le noir lui va fort bien : le jour du second tour d’une élection présidentielle, dans une France au proche futur, une candidate, que l’on appelait encore, peu de temps auparavant, « d’extrême-droite », va l’emporter. Un tueur à gages, au bout du rouleau et de sa propre quête, employé par l’organisation de la candidate en question, se laisse arrêter par le système de sécurité publique déjà très bien rodé, et se confesse dans les dernières heures avant la proclamation des résultats, à un inspecteur de police pas encore tout à fait désabusé.
Récit patient d’une mise en place méthodique, « Préparer l’enfer » justifie bien son titre. Surtout, se démarquant de nombreux romans d’anticipation politique à l’alarmisme robuste, bien agréable mais souvent convenu, celui de Thierry Di Rollo souligne avec habileté le caractère insidieux et mécaniste d’un glissement totalitaire « ultra-moderne », qui prend appui et se nourrit de chaque travail, de chaque initiative venant de ses concurrents classiques, de droite conservatrice comme de gauche dite socio-démocrate.
Les vraies dictatures modernes ont toutes compris cela, petit. La liberté circonscrite permet aux gouvernés d’entretenir leur propre espace de contestation.
– Mais tu parles d’une cohésion sociale fragile…
– Oui. Et précisément parce qu’elle est contenue, qu’elle ne peut s’exprimer totalement, elle reste difficile à maîtriser. Et c’est là qu’intervient tout le travail de communication, largement facilité par les médias modernes – grâce en soit rendue à ce cher et inestimable vingt et unième siècle et à son insolente facilité d’accès à l’information. La frustration engendrée par la réduction douce des libertés doit être équilibrée par une lecture positive, consensuelle, et surtout compatissante des événements. L’illusion du libre arbitre passe par la culture du groupe. Je suis malheureux, mais je ne suis pas le seul. Nous sommes malheureux et les médias relaient notre mal-être, ne l’occultent pas, même s’ils prennent soin de rester à distance.
(…)
En démocratie adaptée, les chiens galeux auraient droit de cité, parce qu’ils seraient trop peu nombreux pour se montrer réellement dangereux.
Seul reproche sans doute : la trame romanesque restant mince et relativement fragile, avec ses 150 pages ramassées, le roman prend par moments une trop forte allure d’essai, passionnant au demeurant, manquant ainsi, pour l’instant, l’installation épique aux côtés du « Citoyens clandestins » de DOA ou du, par exemple, « Bien connu des services de police » de Dominique Manotti.
Avec ce coup d’essai dans le genre qui frôle le coup de maître, l’auteur a toutes les chances néanmoins de rejoindre rapidement mon panthéon dans le domaine, pour ces ses prochains romans dans le genre.
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Rétroliens/Pings
Pingback: Note de lecture : « En pays conquis (Thomas Bronnec) | «Charybde 27 : le Blog - 15 mars 2017