Comme vous le savez si vous suivez un tant soit peu ce blog, ou si vous fréquentez – physiquement ou virtuellement – la librairie Charybde, nous n’avons pas une fascination exagérée pour les « nouveautés », et notre librairie se consacre, en proportion, bien davantage à ce qu’il est convenu d’appeler le « fond » (les livres parus il y a plus de quelques mois, donc) et aux véritables « nouveautés » (à savoir tout grand livre pas encore lu…). La « rentrée littéraire » de fin août début septembre n’est donc pas un phénomène qui nous est cher, en soi.
Néanmoins, il est important, semble-t-il, pour les auteurs et les éditeurs que nous apprécions, et dont les textes nous touchent – à quelque titre que ce soit – que leur qualité reste le moins longtemps possible ignorée, car – hélas – les conditions actuelles du marché du livre font que le succès d’un texte dépend beaucoup (trop) de ses premières semaines et de ses premiers mois de disponibilité. Si nous regrettons fort cette situation, nous voulons néanmoins contribuer, dans la mesure de nos petits moyens, à répandre cette modeste bonne parole, au moment idoine, sur ce que nous aimons.
Voici donc une deuxième série de chroniques, portant sur 20 titres, succédant aux 16 titres de cette première note parue tout début septembre (en pratique, deux titres sont communs aux deux listes, ayant fait l’objet d’une lecture par Charybde 7 d’abord, par Charybde 2 ensuite). D’autres suivront, nos piles à lire en octobre restent encore bien fournies en lectures a priori susceptibles de nous enchanter.
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Eugenia Almeida, L’échange (Métailié) : comment, derrière un fait divers, se dévoilent les réseaux souterrains et l’ombre glaçante de la dictature argentine. La note de lecture par Charybde 7 est ici.
Antoine Bello, Ada (Gallimard) : une hilarante et songeuse mystification autour des progrès de l’intelligence artificielle. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
Chloé Delaume, Les sorcières de la République (Seuil) : en 2062, le procès à grand spectacle de divinités féminines ayant tenté (et raté) une révolution française bien particulière. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
DOA, Pukhtu Secundo (Série Noire Gallimard) : autour de l’Afghanistan contemporain, géopolitique de l’avidité, où mieux vaut néanmoins ne pas réveiller un Lynx qui dort. La note de lecture par Charybde 2 est ici. DOA sera chez Charybde le 25 octobre prochain.
Éric Faye, Éclipses japonaises (Seuil) : imaginer les destins et la vie secrète des citoyens japonais kidnappés par le régime nord-coréen. La note de lecture par Charybde 7 est ici.
Thomas Giraud, Élisée avant les ruisseaux et les montagnes (La Contre-Allée) : l’enfance ré-imaginée d’un géographe libertaire hors du commun. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
Christoph Hein, Le noyau blanc (Métailié) : la débâcle d’un universitaire naïf et obsolète, ou comment la chute du Mur et la réunification ont profondément modifié la vie des Allemands de l’Est. La note de lecture par Charybde 7 est ici.
Ursula K. Le Guin, Le langage de la nuit (Aux Forges de Vulcain) : ce qu’apportent la fantasy et la science-fiction au langage de la littérature, par l’une des plus grandes romancières et nouvellistes du champ, et au-delà. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
Ken Liu, L’homme qui mit fin à l’histoire (Le Bélial) : l’accès brut aux données historiques permet-il de changer la réalité du regard sur le passé ? Cent pages fascinantes d’un documentaire fictif pour y répondre. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
Emily St. John Mandel, Station Eleven (Rivages) : avec ou sans catastrophe, le sens d’une vie reste ce qui se dérobe. Une magnifique subversion du genre post-apocalyptique. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
BIS : Gilles Marchand, Une bouche sans personne (Aux Forges de Vulcain) : un redoutable enchâssement de la blessure pour donner à ressentir ce que la poésie peut faire au monde, et à nous. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
Antonio Moresco, Les incendiés (Verdier) : une épopée moderne, un récit incandescent sur l’amour, la férocité de notre temps et la soif de liberté. La note de lecture par Charybde 7 est ici.
Amos Oz, Judas (Gallimard) : dans la Jérusalem divisée de 1959, un très grand roman d’amour et de solitude, et une réflexion admirable sur les figures du traître et sur les lignes de fracture historiques entre judaïsme et christianisme. La note de lecture par Charybde 7 est ici.
Sylvain Prudhomme, Légende (Gallimard) : dans la plaine de la Crau, désert de pierres immuable et lumineux aux portes d’Arles, l’histoire d’une amitié forte et belle et le destin de deux frères maudits. La note de lecture par Charybde 7 est ici.
Abdelaziz Baraka Sakin, Le messie du Darfour (Zulma) : religiosité soft et guérilla hard vs. dictature pseudo-islamique et pillards sahéliens, en direct du Soudan. Un grand moment. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
Fanny Taillandier, Les états et empires du lotissement Grand Siècle (P.U.F.) : l’analyse rétrofuturiste endiablée du lotissement autarcique comme fait politique total. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
Philippe Vasset, La légende (Fayard) : revoir les vies de saints, ajuster le sacré au désir de l’époque, en une puissante et dérisoire dérive symbolique. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
BIS : Emmanuel Venet, Marcher droit, tourner en rond (Verdier) : la somptueuse mise en scène d’un syndrome d’Asperger, l’espace d’un enterrement, en révélateur de la construction de l’hypocrisie sociale. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
Romain Verger, Ravive (L’Ogre) : neuf nouvelles diaboliques où le réel se dérobe et bascule en beauté horrible. La note de lecture par Charybde 2 est ici. Romain Verger sera chez Charybde le 20 octobre prochain.
Roberto Wong, Paris Mexico District Fédéral (Christophe Lucquin) : la carte rêvée, le territoire intérieur. La dérive poétique dans toute sa sombre puissance. La note de lecture par Charybde 2 est ici.
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Bonnes lectures, et à très bientôt en Charybde ! Vous pouvez consulter le programme de nos prochaines rencontres ici.
Pour ce début d’année littéraire, il se trouve que j’ai eu une autre vision des choses. Certes j’ai beaucoup moins lu les romans sortant en septembre, et me suis concentré sur des auteurs et autres textes dont je comptais faire (et que j’ai effectué) une note critique, plus ciblée sur des thèmes. J’ai lu aussi quelques nouveautés (et ouvrages quelquefois plus anciens). Donc :
Steve Tomasula « Ligatura un opéra en plat-pays » (13, Editions HYX, 320 p.). livre objet plutôt que livre texte, quoique ce dernier soit très intéressant.
Steve Tomasula « The Book of Portraiture » (06, FC2, 328 p.) avec un design de Robert Sedlack. Livre aussi surprenant.
Máirtín Ó Cadhain « Cré na Cille » (édition originale en 49, réédité en 09, Clo Iar-Chonnachta Teo, 364 p.) deux nouvelles traductions en anglais, l’une « The Dirty Dust » (15, Yale Margellos, New Haven , 310 p.) traduit par Alan Titley, et l’autre « Graveyard Clay » (16, Yale Margellos, New Haven, 368 p.) traduit par Liam Mac Con Iomaire et Tim Robinson. C’est encore mieux que Flann O’Brien, pour les amateurs
Desmond Hogan « Les Feuilles d’Ombre » traduit par Serge Chauvin (16, Grasset, 224 p.) texte superbe d’un groupe de jeunes irlandais. Avec des raccourcis stupéfiants, tant au niveau des idées que des couleurs.
Desmond Hogan « Le Garçon aux Icones » traduit par Pierre Demarty (15, Grasset, 256 p.), autre bouquin, sorti l’an passé, d’un jeune garçon que sa mère recherche à travers une Irlande en feu. Le précédent titre m’a donné envie d’en savoir plus.4
Richard Grosmann, relu « L’Homme Alphabet » (11, Lot49, Cherche Midi, 484 p.) traduit par Claro. Livre de près de 500 pages, comprend 2 séparations en un livre I (de A à H) d’environ 216 pages et un livre II (de I à Z), des chapitres repérés chaque fois par une lettre de l’alphabet et des sous chapitres. Mais ceux-ci sont erratiques. Il y a des classiques 1, 2, mais aussi de 1, 2, 1, 2, ou des 2,1, 2, 1, ou simplement des 2 ou des 3.
Richard Grosmann « The Book of Lazarus » (97, Fiction Collection Two, 496 p.) collection de textes et d’images, de longueur variables et de contexte tout aussi différents et le livre devient prétexte à littérature, expérimentale certes. Déjà la présence de textes divers, collage de notes manuscrites, insertion de têtes de chapitres qui n’en sont pas, maximes et collage de dessins et courts textes de 2 lignes, font du livre un objet curieux, totalement différent d’un livre « linéaire » classique.
Andreï Ivanov, « Le voyage de Hanumân » (16, Le Tripode, 440 p.) m’a un peu déçu (ou plutôt c’est Le Tripode qui m’a déçu). Comparé à « La Maison dans Laquelle » de Mariam Petrosyan traduit par Raphaëlle Pache (16, Monsieur Toussaint Louverture, 958 p.), il n’y a pas photo. Mais était-ce comparable ?
bonne lecture
En effet, comme indiqué dans notre billet, nous, ça portait sur les livres parus en août et septembre. Ceci dit, le Tomasula est en effet très intéressant (https://charybde2.wordpress.com/2014/02/03/note-de-lecture-ligatura-steve-tomasula/), le Richard Grossman de Lot 49 aussi, et le Ivanov ne me semble en effet guère comparable au Petrosyan (en dehors de la langue maternelle des auteurs) 😉 Merci pour les autres indications !