Le malicieux gardien d’une grotte d’art pariétal, d’une stature étonnante.
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Voici un roman étonnant auquel on s’attache immédiatement, les mémoires du gardien d’une grotte, qui présente de fortes similitudes avec celle de Lascaux, également ornée de peintures pariétales, découverte durant la seconde guerre mondiale, et fermée au public pour éviter sa dégradation, avec la réalisation d’un fac-similé à proximité.
«Je suis le gardien d’une grotte, je vis juste au-dessus. Dessous, c’est creux, étroit, frais, humide et silencieux. Je me répète souvent ces mots ; ils résonnent et réconfortent ma solitude.»
Ce gardien reclus au sommet de sa colline, et qui va jouir d’une longévité inespérée dans cette fonction, raconte ses aventures vues du ventre de la grotte, miroir des obsessions et peurs de l’époque actuelle, et de toutes les fantasmagories de la grotte-matrice.
«Je veux transmettre le souvenir de cette vie en retraçant ici certaines de mes aventures les plus folles. Vue d’une petite grotte, repli isolé dans le creux d’une colline, cette histoire donnera pourtant une idée de l’époque agitée que nous avons traversée, et dont vous avez peut-être entendu parler. Qui connaît le temps qui me lira ?»
Obsessions de la ressemblance et de la copie, volonté de se nourrir de la célébrité de la grotte, protection contre les menaces diverses d’une société mondialisée…, chaque nouveau chapitre nous transporte en terrain inconnu, réaliste, onirique, fantastique, ou simplement décalé et drôle, tandis que la modeste ambition solitaire du gardien se modifie, et que son désir protéiforme de protéger la grotte ou de façonner sa légende grandit.
«Au fil des ans, sans qu’il y eût de passage souterrain, la grotte devint ma cave. Dans les caves, on séquestre les petites filles, on enterre des cadavres, on perd ses illusions, on réalise ses fantasmes, on cache ce qu’on refuse de voir, on range ce qu’on veut garder oublie, on imagine le pire. C’est souvent dans les vieilles maisons qu’il y a des caves. C’est souvent elles qui y sont les plus anciennes. C’est largement le cas ici.»
Avec une écriture limpide, Amélie Lucas-Gary réussit un premier roman très réjouissant, publié en septembre 2014 chez Christophe Lucquin, autour de ce gardien surprenant, en écho à celui de «Préhistoire» d’Éric Chevillard, comme une métaphore de l’artiste en devenir.
Ce qu’en dit fort justement mon ami et collègue Charybde 2 sur ce blog est ici.
Amélie Lucas-Gary était l’invitée de la librairie Charybde en avril 2015 pour évoquer ce roman, et on peut la réécouter ici.
Pour acheter ce roman délicieusement dérangeant chez Charybde, c’est par là.
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Pingback: Note de lecture : « Trois crimes (Amélie Lucas-Gary & Julien Carreyn) | «Charybde 27 : le Blog - 17 avril 2021