La violence des échanges dans le milieu pas du tout tempéré d’une mine de coltan du Sud-Ouest africain.
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Six et huit ans respectivement après ses excellents « French Tabloids » et « Réveillez le Président ! », Jean-Hugues Oppel nous revenait en 2013, toujours chez Rivages, avec un nouveau roman, noir à souhait, usant avec brio comme jadis de la capacité de l’auteur à camper en fort peu de mots des personnages hauts en couleur et en crédibilité, tout particulièrement lorsqu’il s’agit de ceux hantant les couloirs, feutrés ou non, des états-majors d’entreprise et des institutions nationales et internationales.
Le territoire Asawati, situé quelque part à proximité de la côte du Sud-Ouest africain, est une zone internationale d’une incroyable richesse minière, soumise à une féroce exploitation, que seules régulent, vaguement, droit international du travail et courbe de productivité du consortium qui opère ici, dans des conditions extrêmement difficiles du fait d’un « micro-climat » caractérisé par sa chaleur aberrante. Débarquant comme dans un nid de frelons, une inspectrice de l’ONU devra à la fois y déjouer les pièges de l’homme et ceux de la nature.
La Colonie.
Le terme désigne surtout l’implantation humaine au bord de l’océan. Pour les installations minières de l’arrière-pays, on parle des mines tout simplement – ou de ces putains de mines quand on y travaille. La découverte de plusieurs gisements du si convoité minerai appelé « coltan » et de terres rares en abondance, gisements d’importance exploitables à faire baver de convoitise les prospecteurs de Mongolie-intérieure, a créé de toutes pièces ces deux pôles d’activité là où il n’y avait rien sinon un territoire désert sous le soleil.
Rien sinon de paisibles autochtones, aussi.
Des braves gens n’ayant pas la même définition du mot désert et incapables de mesurer la richesse enfouie sous leurs pieds, comme trop souvent. Les autochtones insouciants devaient déménager. On leur offrit de l’argent pour la terre. Ceux que les paquets d’euros de l’Union minière européenne n’avaient pu acheter firent connaissance avec les fusils-mitrailleurs des sbires de la milice privée du Konsortium pour revenir à une saine vision de la loi du plus fort. Les étrangers gagnèrent. LEs autochtones déménagèrent. Comme toujours.
Les personnages sont réussis, Jean-Hugues Oppel jouant en maître de son art bien connu pour camper puissamment et rapidement ses héroïnes, ses mercenaires, ses cadres carriéristes ou sur le retour, jouant finement avec le cliché attendu pour faire douter juste ce qu’il faut la lectrice ou le lecteur. En revanche, l’intrigue d’ensemble, ambitieuse, à vouloir mêler sur un format peut-être un peu trop court le roman policier, la toile de fond anthropologique et le risque écologique, n’est pas vraiment parvenue à me convaincre, multipliant les morceaux de bravoure fort savoureux mais échouant à fabriquer la belle fable contemporaine qui se trouvait sans doute dans la ligne de mire de l’auteur. Un bon moment de lecture, donc, mais un net regret en songeant à ce que la même densité narrative et la même subtilité que celles à l’œuvre dans « French tabloïds », par exemple, auraient pu donner dans ce décor brillamment étouffant.
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