Une polyphonie pour dire la profonde osmose entre l’art et la vie.
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«On peut vivre par procuration des choses incroyablement douloureuses.» (en exergue)
Éprouvant à quel point le film «Les parapluies de Cherbourg» l’avait marquée, un film qu’elle n’a jamais pu regarder sans que les larmes viennent, Olivia Rosenthal a composé ce livre (éditions Verticales, 2012) à partir de témoignages sur cette question – «Quel film a changé votre vie ?» – monologues auxquels elle ajoute son propre témoignage en guise d’épilogue.
«Il y a des gens qui pensent qu’ »Eraserhead » leur donnera le pouvoir d’entendre l’inaudible, de voir l’invisible, de décrocher du LSD, de se sevrer, de trouver un emploi, de rencontrer l’âme sœur, de vaincre la solitude. Aimer le cinéma, c’est s’offrir le luxe de la toute-puissance.»
À travers cette question contraignante, Olivia Rosenthal interroge le lien entre le cinéma, et plus largement la fiction, et la vie, et la relation entre le témoignage des autres et sa propre expérience. Entremêlant les scènes des films évoqués ici et la vie de ceux qui témoignent, elle nous fait ressentir la force de ce continuum, réel ou rêvé, entre vie et fiction, et aussi l’expérience parfois douloureuse de leur partition.
«Nathalie Baye et Francois Truffaut se vouent corps et âme au cinéma. Mais dans la vraie vie, l’un est mort et l’autre n’est pas scripte. Il faut donc revenir là où le cinéma prend fin, changer de perspective, de cadre, d’objectif, admettre que l’existence ne s’engloutit pas toute entière dans la lumière des projecteurs, que les zones d’ombre mènent loin des caméras, qu’il y a une vie après, que les personnages nous emportent, nous séduisent, nous attirent et nous trompent, qu’il faut rejoindre un pays qui est le nôtre, un désir qui est le nôtre en faisant le deuil de nos illusions.»
On ne sait d’ailleurs jamais vraiment qui parle. Est-on dans la narration du film ou dans l’histoire du spectateur ? Est-ce le point de vue du témoin, ou celui de l’auteur ?
Lire Olivia Rosenthal est une expérience particulière, souvent forte parfois vertigineuse, qui déborde le livre (ce texte a été adapté pour la scène et au cinéma), et pour laquelle il faut être prêt à explorer des zones d’inconfort, à se questionner sur le sens des mots, à être touché au cœur par une écriture, qui, bien que clinique, va sonder les couches émotionnelles les plus intimes.
«Quand on est habité par l’art cinématographique, on est plus fort que ses échecs, on croit qu’on pourra par sa seule générosité plier le monde à son désir.»
«Je ne supporte pas
qu’on puisse perdre
définitivement
quelqu’un qu’on a aimé
sans en mourir
qu’on vive bien après
et même qu’on vive mieux.»
Claro, libraire d’un soir chez Charybde en mars 2015 a présenté brillamment ce livre et on peut le réécouter ici. Pour acheter ce livre chez Charybde, c’est par là.
Il m’a remuée, ce livre, la démarche est intéressante.