Un regard de première main et sans concession, sur un drame encore récent, à l’opposé du regard médiatique majoritaire.
x
Premier roman, publié en 2007 chez Ramsay, d’une travailleuse humanitaire (notamment au CICR), devenue relativement sur le tard officier de l’Armée française, « Dernière danse à Pristina » raconte le séjour de six mois d’un groupe de policiers français chargés de former des kosovars après l’indépendance. De terribles désenchantements seront au rendez-vous, dans une forme qui n’est pas sans rappeler le bouleversant téléfilm britannique « Warriors » de Peter Kominsky (1999), avec une inversion des protagonistes liée bien entendu au changement de terrain géopolitique, malgré la proximité géographique avec la Bosnie.
x
Bribes de conversations glanées au fil des pages :
« Le chauffeur albanais intervient : « Dans un certain sens, je soutiens ces pratiques. Il faut que les Serbes comprennent qu’ils ne sont plus chez eux. Ils ne sont plus les maîtres, non plus, ils n’ont plus à nous dicter leurs règles. » (…)
Tout a changé si vite, explique le chauffeur. Voilà à peine dix ans, personne ne faisait la différence entre un Kosovar albanais et un Kosovar serbe. Tout le monde s’en moquait, tout le monde se fréquentait. Albanais ou Serbes… ces mots n’avaient aucune importance. (…)
Il ajoute à ceux qui parlent serbe ou une langue slave de ne jamais en prononcer un mot dans la rue. « Et si l’on vous pose une question dans cette langue, dites-vous que c’est un piège. Faites mine de ne pas comprendre. Un Tchèque de chez nous a été descendu la semaine dernière pour avoir répondu en serbe à quelqu’un qui lui demandait l’heure. (…)
Et elle parle. Pour oublier. Pour se soulager. Pour se faire entendre, enfin… Elle parle de ces appartements des familles serbes que les Corbeaux dévalisent, de ces expatriés naïfs qui ne comprennent rien, de ces interprètes qui changent les mots comme ils le souhaitent, dans un sens comme dans l’autre, jusqu’à transformer le sens de phrases entières.
Le manichéisme à bon compte observé par l’essentiel des médias français depuis 1999 en ce qui concerne le Kosovo ne sort pas grandi de ce roman appuyé sur des témoignages de terrain variés et des observations directes (comme c’était aussi le cas avec les romans noirs décapants de Gianni Pirozzi). On aura aussi hélas confirmation, au passage, que les trafics d’organes organisés étaient parfaitement connus des forces, militaires ou humanitaires, présentes sur le terrain dès 2005-2006. Un regard sans concession sur un drame relativement récent, dont la lecture univoque continue à irriguer les médias occidentaux, et notamment français.
J’ai beaucoup apprécié ce livre, qui donne un éclairage de l’intérieur sur la vie quotidienne dans ces pays déchirés, et montre toute l’absurdité qui règne en maître là où règne aussi la haine de l’autre.